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entièrement l’administration publique pour se retirer dans un de ses palais, où son unique occupation est de mener une vie heureuse et tranquille. Le nouveau gouverneur fait son premier soin de fournir au monarque tout ce qui peut contribuer à son bonheur ; et, jouissant en effet, du pouvoir suprême, il reçoit les impôts, il distribue les grâces et les récompenses ; il fait à son gré la paix ou la guerre ; et quoique son devoir l’oblige d’en conférer avec son maître, il se dispense souvent de cette servitude, surtout lorsque la vieillesse du souverain augmente l’aversion qu’une vie molle lui inspire naturellement pour les affaires.

Cependant, à quelque décrépitude que le roi soit parvenu, jamais un lieutenant général n’ose pousser l’indépendance jusqu’à s’asseoir devant lui, ni prendre liberté de faire entrer dans son palais un seul de ses propres gardes, ni lui parler sans avoir les mains posées l’une sur l’autre devant sa bouche ; ce qui passe au Malabar pour la marque du plus profond respect. Celui qui manquerait à quelqu’un de ces devoirs s’exposerait à perdre la meilleure partie de son bien avec sa dignité ; parce que le roi se réserve toujours le pouvoir de casser ses lieutenans généraux, sans être obligé de les rembourser de leur finance. Mais ces violentes extrémités sont presque sans exemple. Il est rare, dans les pays orientaux, qu’un sujet oublie son devoir jusqu’à s’écarter du respect qu’il doit à son maître.