Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 5.djvu/48

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part et d’autre avec beaucoup d’égalité ; mais enfin les corsaires, las, blessés ou brûlés, se jetèrent tous dans les flots ; tandis que, poussant des cris de joie, nous continuâmes de presser une si belle victoire. Notre général voyant périr un grand nombre de ces misérables, qui ne pouvaient résister à l’impétuosité du courant, fit passer quelques soldats dans deux barques, avec ordre de sauver ceux qui voudraient accepter leur secours. On en sauva seize, entre lesquels était Hinimilau, capitaine de la jonque.

» Il fut amené devant Faria, qui fit d’abord panser ses plaies ; ensuite il lui demanda ce qu’étaient devenus les Portugais que nous avions entendus sur son bord. Le corsaire répondit fièrement qu’il n’en savait rien ; mais la vue des tourmens lui fit changer de langage. Il demanda un verre d’eau, parce que la sécheresse de son gosier lui ôtait l’usage de la voix, en promettant de voir ce qu’il aurait à répondre. On lui apporta de l’eau, dont il but avidement une excessive quantité. Alors, paraissant reprendre sa fierté avec ses forces, il dit à Faria qu’on trouverait ces Portugais dans la chambre de proue. Ils y étaient effectivement, mais égorgés. Ceux qui s’y étaient rendus pour finir leur captivité apportèrent huit corps sur le tillac, une femme avec deux enfans de six ou sept ans, à qui l’on avait coupé brutalement la gorge, et cinq hommes fendus du haut en bas, et les boyaux hors du corps. Faria, touché jusqu’aux larmes d’un si triste