Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 6.djvu/121

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triompher de toutes les résistances du jeune homme. Celui-ci, outré de douleur, prit aussi son temps pour se venger. Un jour qu’il était à la chasse avec son maître, il le surprit à l’écart, et d’un coup de sabre il lui abattit la tête. Aussitôt il courut à bride abattue vers la ville en criant qu’il avait tué son maître pour se venger du plus infâme outrage. Il alla faire la même déclaration au gouverneur, qui le fit jeter d’abord en prison ; mais, après de justes éclaircissemens, il obtint la liberté ; et, malgré les sollicitations de la famille du mort, aucun tribunal n’osa le poursuivre, dans la crainte d’irriter le peuple, qui applaudissait hautement son action.

À Patna, les deux voyageurs prirent un bateau sur le Gange pour descendre à Daca. Après quelques jours de navigation, Tavernier eut le chagrin de se séparer du compagnon de son voyage, qui, devant se rendre à Casambazar, et passer de là jusqu’à Ougli, se vit forcé de prendre par terre. Un grand banc de sable, qui se trouve devant la ville de Soutiqui, ne permet pas de faire cette route par eau lorsque la rivière est basse. Ainsi, pendant que Bernier prit son chemin par terre, Tavernier continua de descendre le Gange jusqu’à Toutipour, qui est à deux cosses de Raghi-Mehalé. Ce fut dans ce lieu qu’il commença le lendemain, au lever du soleil, à voir un grand nombre de crocodiles couchés sur le sable. Pendant tout le jour, jusqu’au