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virons, vinrent baiser les mains au capitaine Tavernier en applaudissant à son action. Le roi même, qui en fut bientôt informé, lui fit présent d’une ceinture, comme d’un témoignage de sa reconnaissance. Tavernier jette plus de jour sur une aventure si singulière. Les pèlerins javans, de l’ordre du peuple, surtout les fakirs qui vont à la Mecque, s’arment ordinairement à leur retour de leur cric, espèce de poignard dont la moitié de la lame est empoisonnée ; et quelques-uns s’engagent par vœu à tuer tout ce qu’ils rencontreront d’infidèles, c’est-à-dire de gens opposés à la loi de Mahomet. Ces fanatiques exécutent leur résolution avec une rage incroyable, jusqu’à ce qu’ils soient tués eux-mêmes. Alors ils sont regardés comme saints par toute la populace, qui les enterre avec beaucoup de cérémonies, et qui contribuent volontairement à leur élever de magnifiques tombeaux. Quelque dervis se construit une butte auprès du monument, et se consacre pour toute sa vie à le tenir propre, avec le soin continuel d’y jeter des fleurs. Les ornemens croissent avec les aumônes, parce que plus la sépulture est belle, plus la dévotion augmente avec l’opinion de sa sainteté.

Tavernier raconte une autre aventure du même genre qui fait frémir. « Je me souviens, dit-il, qu’en 1642 il arriva au port de Surate un vaisseau du grand-mogol revenant de la Mecque, où il y avait quantité de ces fakirs ;