Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 6.djvu/190

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dars. La plupart sont belles et richement vêtues ; elles savent chanter et danser parfaitement à la mode du pays. Mais, comme elles n’en sont pas moins publiques, Aureng-Zeb, plus sérieux que ses prédécesseurs, abolit l’usage de les admettre au sérail ; et pour en conserver quelque reste, il permit seulement qu’elles vinssent tous les mercredis lui faire de loin le salam ou la révérence, à l’amkas. Un médecin français, nommé Bernard, qui s’était établi dans cette cour, s’y était rendu si familier, qu’il faisait quelquefois la débauche avec l’empereur. Il avait par jour dix écus d’appointemens ; mais il gagnait beaucoup davantage à traiter les dames du sérail et les grands omhras, qui lui faisaient des présens comme à l’envi. Son malheur était de ne pouvoir rien garder : ce qu’il recevait d’une main, il le donnait de l’autre. Cette profusion le faisait aimer de tout le monde, surtout des kenchanys, avec lesquelles il faisait beaucoup de dépense. Il devint amoureux d’une de ces femmes, qui joignait des talens distingués aux charmes de la jeunesse et de la beauté. Mais sa mère, appréhendant que la débauche ne lui fit perdre les forces nécessaires pour les exercices de sa profession, ne la perdait point de vue. Bernard fut désespéré de cette rigueur. Enfin l’amour lui inspira le moyen de se satisfaire. Un jour que l’empereur le remerciait à l’amkas, et lui faisait quelques présens pour la guérison d’une femme du sérail, il supplia ce prince de lui