Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 7.djvu/137

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peinture dont il rassemble ici tous les traits dans les entretiens qu’il eut avec Louis XIV et avec ses ministres sur le royaume de Siam. « Sa majesté, dit-il, me demanda d’abord si le pays était riche : Sire, lui répondis-je, le royaume de Siam ne produit rien et ne consomme rien. C’est beaucoup dire en peu de mots, répliqua le roi ; et continuant à m’interroger, il voulut savoir quel en était le gouvernement, comment le peuple vivait, et d’où le roi tirait tous les présens qu’il avait envoyés en France. Je répondis à sa majesté que le peuple était fort pauvre ; qu’il n’y avait parmi eux ni noblesse ni condition, naissant tous esclaves du roi, pour lequel ils étaient obligés de travailler une partie de l’année, à moins qu’il ne voulut bien les en dispenser en les élevant à la dignité de mandarins ; que cette dignité, qui les tirait de la poussière, ne les mettait pas à couvert de la disgrâce du prince, dans laquelle ils tombaient fort facilement, et qui était toujours suivie de châtimens rigoureux ; que le barcalon lui-même, tout premier ministre qu’il fût, y était aussi exposé que les autres ; qu’il ne se soutenait dans ce poste périlleux qu’en rampant devant son maître comme le dernier du peuple ; que, s’il lui arrivait d’encourir sa disgrâce, le traitement le plus doux qu’il pût attendre, c’était d’être envoyé à la charrue, après avoir été sévèrement châtié ; que les habitans ne se nourrissaient que de quelques fruits et du riz, qu’ils