Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 7.djvu/169

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leur supplice, s’imaginant que des malheureux qui avaient déjà beaucoup souffert seraient plus dociles à recevoir les lumières du christianisme. Ils venaient de subir une terrible torture : on les avait roués de coups de bâton ; on leur avait enfoncé des chevilles sous les ongles, écrasé tous les doigts, appliqué du feu aux bras, et serré les tempes entre deux ais. M. Leclerc, qui parlait leur langue, fit tout ce qu’il put pour opérer leur conversion, mais inutilement. Ainsi les pères furent obligés de les abandonner à la justice. Ils furent attachés à terre, pieds et poings liés, le corps nu, autant que la pudeur pouvait le permettre. Dans cet état, on lâcha un tigre, qui, après les avoir flairés sans leur faire aucun mal, fit de grands efforts pour sortir de l’enceinte, haute de quatre pieds. Il était midi qu’il n’avait point encore touché aux criminels, quoiqu’ils eussent été exposés depuis sept heures du matin. L’impatience des bourreaux leur fit irriter le tigre, qui en tua trois avant la nuit, et la nuit même le quatrième ! Les exécuteurs tenaient ce cruel animal par deux chaînes passées des deux côtés hors de l’enceinte, et le tiraient malgré lui sur les criminels. Ce qu’il y a de plus admirable, c’est qu’on ne les entendit jamais ni se plaindre, ni seulement gémir. L’un se laissa dévorer le pied sans le retirer ; l’autre, sans faire un cri, se laissa dévorer tous les os du bras ; un troisième souffrit que le tigre lui léchât le sang qui coulait de son visage sans dé-