Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 7.djvu/184

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posé d’une quarantaine de cabanes couvertes de branches d’arbres, dont les habitans montaient au nombre de quatre ou cinq cents personnes, leur confiance augmenta jusqu’à s’approcher de nous et nous considérer à loisir. Ils prirent plaisir à regarder particulièrement les Siamois, comme s’ils eussent été frappés de leur habillement. Cette curiosité nous parut bientôt importune. Chacun voulut entrer dans leurs cases pour y chercher quelques alimens ; car tous les signes par lesquels nous leur faisions connaître nos besoins ne servaient qu’à les faire rire de toutes leurs forces, sans qu’ils parussent nous entendre ; quelques-uns nous répétaient seulement ces deux mots : tabac, pataque. Je leur offris deux gros diamans, que le premier ambassadeur m’avait donnés au moment de notre séparation ; mais cette vue les toucha peu. Enfin le premier pilote, qui avait quelques pataques, seule monnaie qui soit connue de ces barbares, fut réveillé par le nom ; il leur en donna quatre, pour lesquelles ils amenèrent un bœuf, qu’ils ne vendent ordinairement aux Hollandais que sa longueur de tabac. Mais de quel secours pouvait être un bœuf entre tant d’hommes à demi morts de faim, qui n’avaient vécu depuis six jours entiers que de quelques feuilles d’arbres ? Le pilote n’en fit part qu’aux gens de sa nation et à ses meilleurs amis. Aucun Siamois n’en put obtenir un morceau. Ainsi nous eûmes le chagrin de ne recevoir aucun soulagement à la vue