Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 7.djvu/190

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vérité, mais assez long. Je le poursuivis dans sa fuite, et je le tuai d’un coup de poignard. Nous le mîmes au feu sans autre précaution et nous le mangeâmes tout entier, sans excepter la peau, la tête et les os. Il nous parut de fort bon goût. Après cet étrange festin, nous remarquâmes qu’il nous manquait un de nos trois interprètes. On décampa le lendemain un peu plus tard qu’à l’ordinaire. Il s’était élevé à la pointe du jour un gros brouillard qui avait obscurci tout l’horizon. À peine eûmes-nous fait un quart de lieue, que nous fûmes incommodés d’un vent très-froid, et le plus impétueux que j’eusse éprouvé de ma vie. Peut-être l’affaiblissement de nos forces nous le faisait-il trouver plus violent qu’il n’était en effet ; mais ne pouvant mettre un pied devant l’autre, nous fûmes obligés, pour avancer un peu vers notre terme, d’aller successivement à droite et à gauche, comme on louvoie sur mer. Vers deux heures après midi, le vent nous amena une grosse pluie qui dura jusqu’au soir ; elle était si épaisse et si pesante, que, dans l’impossibilité de marcher, les uns se mirent à l’abri sous quelques arbres secs, d’autres allèrent se cacher dans le creux des rochers, et ceux qui ne trouvèrent aucun asile s’appuyèrent le dos contre les hauteurs d’une ravine en se pressant les uns contre les autres pour s’échauffer un peu et pour résister à la violence de l’orage. La description de nos peines surpasse ici toute expression. Quoique nous eus-