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mais je ne crains que Dieu. — Si vous étiez rempli de cette crainte, reprit le légat irrité, vous parleriez avec plus de respect de son vicaire, et devant le ministre qui le représente. »

Le père Suarez ne parut pas moins ardent que Mouravo, et le père Mailer, se livrant aussi à son zèle, déclara au légat qu’il ne croyait pas qu’une bulle dont l’effet ne devait être que la ruine du christianisme dans un grand empire, pût être proposée sans blesser la conscience. Quelqu’un lui dit que dans un autre lieu il n’aurait point eu la hardiesse de tenir ce langage. « Je le tiendrais, répondit-il, au milieu de Rome, et je ne craindrais pas de représenter au pape même les difficultés que je crois justes. » Les missionnaires les plus modestes faisaient ce raisonnement : « La constitution n’est qu’un prétexte ecclésiastique, dont l’exécution entraînerait la ruine du christianisme. Elle peut donc être suspendue jusqu’à de nouvelles informations. » Toute la fermeté du légat, ses consultations et ses propres lumières ne lui faisaient pas voir beaucoup de jour dans une si grande obscurité.

Mais quel fut son embarras lorsque le mandarin Li-pin-chung, entrant dans sa chambre d’un air furieux, et le prenant au collet, lui dit devant toute la compagnie, « qu’il n’était qu’un traître et qu’un perfide, que l’affection qu’il avait eue pour lui l’exposait à perdre