Page:La Harpe - Abrégé de l’histoire générale des voyages, tome 8.djvu/303

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rent dans la même vue les champs voisins, en chantant, priant, et sonnant de leurs instrumens entre les buissons. S’ils trouvent quelque grosse mouche, ils s’efforcent de la prendre ; et, retournant avec beaucoup de bruit et de joie au logis du malade, ils assurent que c’est son âme qu’ils rapportent. Navarette apprit qu’ils la lui mettent dans la bouche.

C’était un usage assez commun parmi les Tartares, après la mort d’un homme, qu’une de ses femmes se pendît pour l’accompagner dans l’autre monde. En 1668, un Tartare de distinction étant mort à Pékin, une de ses concubines, âgée de dix-sept ans, se disposait à lui donner cette preuve d’affection ; mais ses parens, qui l’aimaient beaucoup, présentèrent une requête à l’empereur pour le supplier d’abolir une si odieuse coutume. Ce prince ordonna qu’elle fût abandonnée, comme un ancien reste de barbarie. Elle était établie aussi parmi les Chinois ; mais les exemples en étaient plus rares, et leur philosophe ne l’avait point approuvée. Cependant Navarette fut témoin qu’un vice-roi de Canton, sentant la mort approcher, pria celle de ses concubines qu’il aimait le plus tendrement de se souvenir de l’affection qu’elle lui devait, et de ne pas l’abandonner dans le voyage qu’il allait entreprendre. Cette femme eut le courage de lui en donner sa parole, et de l’exécuter en se pendant elle-même aussitôt qu’il fut expiré.