Page:La Landelle - Le Dernier des flibustiers, Haton, 1884.djvu/103

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Le Camard s’accroupit ; Brise-Barrot, caché par l’épais feuillage du manguier, faisait feu du haut en bas.

Les indigènes, de plus en plus nombreux, embusqués derrière les arbres voisins ou assemblés sur la savane hors de portée de fusil, reçurent les ordres de leur chef. Bientôt on les vit revenir chargés de fagots, qui leur servaient de boucliers contre la carabine foudroyante du canonnier.

Mais Le Camard, resté en bas, tira encore deux coups de sa clarinette : – « Le chant du cygne, » dirait un classique ; car il n’eut plus le temps de recharger son arme. – Une lutte corps à corps s’engageait. Le Camard tomba sous un violent coup de massue. Brise-Barrot, réfugié sur la plus haute branche du manguier, vit que le dessein des insulaires était de mettre le feu à leurs fagots.

— Le camarade est assommé ; moi, je vais être rôti, ce n’est pas gai !

Tout à coup des cris effroyables ralentissent de toutes parts ; – le sergent Franche-Corde, Jean de Paris et cinq autres, se dressant à l’improviste, jouaient de la baïonnette.

Brise-Barrot, d’un bond, les a rejoint. – Merci ! sergent, dit-il. – Au diable ! riposta Franche-Corde ; dans le bois, dans le bois, tenons jusqu’au jour, ménageons la poudre !

Voilà par quels motifs Colletti et le Provençal perdirent de vue tous leurs camarades.

Les tribus d’Imahal, d’Acondre et d’Andravoule, les habitants de Fanshère et ceux de Tolong-Hare, voisins du Fort, rejoignaient Manambaro dans la Savane.

— La retraite nous est coupée, nom d’une pipe ! ça m’est égal ! s’écria Franche-Corde. Je joue à qui perd gagne… Mon testament est dans ma giberne… Attention, mes petits, ne tirons pas en l’air.