Page:La Landelle - Le Dernier des flibustiers, Haton, 1884.djvu/275

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— Mais la baie d’Antongil, Port-Choiseul, Louisbourg ? demanda Béniowski.

— Abandonnés, détruits, oubliés, répondit Trousseau.

— Qui est roi des Sakalaves ?

— Ils ont trente-six chefs différents.

— As-tu entendu parler de Rozai ?

— Parbleu !… nous étions à l’ancre devant sa case voici deux mois, dit Trousseau.

— Où donc ?

— À Antangara, dix lieues approchant au sud-ouest du cap Saint-Sébastien.

L’Intrépide, ravitaillé à Sofala, leva l’ancre à l’instant même. Le 7 juillet 1785, il la jetait dans la baie d’Antangara, presque en face de cette île Nossi-Bé qu’avait autrefois voulu acheter Béniowski pour le compte du gouvernement français et dont nous n’avons pris possession qu’en 1840.

Neuf ans presqu’entiers s’étaient écoulés depuis le jour où, salué par les acclamations d’une multitude enthousiasmée, l’énergique colonisateur avait quitté Madagascar à bord de l’Aphanasie. – Il y revenait animé des mêmes intentions qui l’y avaient conduit dès l’origine ; il y revenait surtout pour tenir la parole qu’il avait solennellement donnée aux rois et aux peuples de la Grande-Île ; mais il ne se dissimulait pas que les temps étaient cruellement changés. Son cœur était empli d’appréhensions et d’angoisses.

Loin de se présenter, fort de l’appui d’une puissance européenne, il débarquerait à la tête d’un ramassis de gens sans aveu, misérables compagnons recrutés à la hâte, qu’il avait eu le temps de trouver indignes de servir sous ses ordres. Mais il ne pouvait plus reculer. Dans l’intérêt même de ses associés de Baltimore, il devait au moins essayer d’opérer son débarquement et tâcher ensuite d’indemniser les armateurs.