Page:La Madelène - Le comte Gaston de Raousset-Boulbon, sa vie et ses aventures, 1859.djvu/101

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quer ? On aurait dit que ces hommes avaient manqué de cœur ; on aurait dit qu’ayant affaire, non contre le pays, puisque le pays était pour eux, mais contre les autorités qui prostituaient le pouvoir au service d’un intérêt privé, ces hommes devaient faire appel au pays même ; on aurait dit enfin que deux cent cinquante Français s’étaient laissés bafouer et spolier en Sonore par le général et le gouverneur, et qu’après s’être complaisamment prêtés à ce rôle ridicule, ils avaient fini par se retirer lâchement.

Telle fut aussi dans la compagnie le cri de l’honneur blessé ; d’un même mouvement elle rejeta ces conditions insultantes ; elle invoqua la justice et se mit sous la protection de ses armes.

C’était la guerre, la compagnie le savait bien ; restait à savoir quelle guerre était possible à cette poignée d’hommes.

Une guerre défensive était impraticable. Aller s’établir dans la montagne, prendre possession des mines, les travailler, les défendre contre une agression, ce projet, plus respectueux envers la légalité, plus conforme à la conduite pleine de réserve observée jusqu’alors, ne pouvait que perdre la compagnie. M. de Raousset n’y pensa même pas.

L’offensive, une agression vigoureuse, appuyée sur le pays, sur les sympathies acquises, sur le bon sens et l’intérêt public, tel était le seul parti raisonnable ; avant tout, il fallait vaincre.

Les circonstances firent de M. de Raousset un général. Naturellement énergique et résolu, il se révéla tout d’un coup homme politique profond et hardi. Rien ne fut épargné par lui pour mettre à profit l’état des esprits, et