Page:La Madelène - Le comte Gaston de Raousset-Boulbon, sa vie et ses aventures, 1859.djvu/140

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» Si mes Gaulois, décourragés par de faux rapports, démoralisés par six semaines d’attente, se sont dispersés et ont pénétré dans l’intérieur, alors je tâcherai de les réunir, chose difficile et lente. Il me faudra croiser dans le golfe pendant quinze jours au moins, et échapper à toute observation.

» Si je puis en réunir deux cents, je m’emparerai de Guaymas, je m’y établirai et je tâcherai de tirer des renforts de Californie.

» Une fois maître de Guaymas, je ne bâtis pas de système et je compte sur l’imprévu.

» Voilà où j’en suis réduit ; vous savez ce que je pouvais faire si j’avais été appuyé : je suis convaincu que j’ai dix chances contre une dans cette hasardeuse entreprise. Les Mexicains m’ont mis hors la loi. Si je suis pris, je finirai comme un pirate ! . . . . . . . . . . . .

» Adieu, pour toujours probablement…

« Raousset-Boulbon. »

Le départ avait été fixé pour le 25. Dans la nuit du 23, par un temps affreux, un ami dévoué, M. Hector C***, traversa la baie, en canot, au péril de ses jours, et vint prévenir M. de Raousset qu’un mandat d’amener allait être lancé contre lui. Il fallut brusquer le départ. Le capitaine américain hésitait, il fut saisi, garrotté et jeté à fond de cale, et le 24 à neuf heures du soir, le petit navire (the Belle) quittait San Francisco. Le temps était horrible.

M. de Raousset emmenait avec lui quatre amis, le docteur Pigné Dupuytren, M. Edgard de Dion et MM. X. et X. À son grand regret, il dut abandonner ses canons, le navire était trop faible pour les porter. En se séparant de M. Hector C***, il lui confia les deux lettres suivantes, écrites à l’avance à tout événement.