Page:La Madelène - Le comte Gaston de Raousset-Boulbon, sa vie et ses aventures, 1859.djvu/161

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M. Calvo sortit, et M. de Raousset resta en proie à une grande agitation. Il écrivit au gouverneur une lettre à la fois respectueuse et énergique, et ne retrouva son calme que lorsqu’une réponse officielle l’eut complètement rassuré à cet égard.

Nous croyons devoir donner ici, à la suite et sans commentaires, quelques-unes des dernières lettres du comte, elles en diront plus sur le calme de son esprit et la sérénité de son âme, à cette dernière heure, que tous les récits que nous pourrions faire.

« Mon cher frère, quand tu recevras cette lettre, je ne serai plus de ce monde. . . . . . . . . . . . . . . . . . . Lorsque les Français sont entrés dans la maison du consul, tout était fini ; je les voyais clairement perdus. J’avais fait mon devoir et j’avais le droit de penser à ma sauvegarde. Plusieurs m’ont conseillé de fuir, je le pouvais ; il m’était facile de réunir une douzaine de matelots, de m’emparer d’un navire et de gagner la mer. J’étais venu pour partager le sort des Français, et j’ai voulu le partager jusqu’au bout ; j’ai fait de propos délibéré le sacrifice de ma vie, je ne me suis pas rendu, j’ai été fait prisonnier. Hier, 9 août, j’ai été jugé par un conseil de guerre et condamné à mort ; je serai fusillé demain ou après-demain. Le général Yanez a bien voulu m’accorder l’autorisation de t’écrire et me faire donner l’assurance que, sans avoir à subir aucune humiliation, je serais fusillé debout et les yeux non bandés, les mains libres.

» Lorsque je me suis laissé faire prisonnier, je savais que je faisais le sacrifice de ma vie. Depuis sept jours que je suis au secret et en prison, j’ai eu tout le temps de voir venir la mort et de penser à ce qu’elle est, quand on la reçoit à trente-six ans, de sang-froid, avec certitude, dans la plénitude de la vie et de la force. Ne crois pas qu’il y ait pour moi une souffrance dans cette situation ; ne t’affecte pas à la pensée qu’il faut considérer ceci comme une lente et douloureuse agonie ; non, mon frère, tu te tromperais ; je meurs avec un grand calme. Il y