Page:La Madelène - Le comte Gaston de Raousset-Boulbon, sa vie et ses aventures, 1859.djvu/163

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Soigne l’éducation de les enfants, qu’ils apprennent beaucoup, et qu’ils apprennent surtout des choses pratiques. Le duc d’Aumale me disait : « Je ferai certainement apprendre à mon fils un état pratique et manuel, pour qu’il puisse gagner sa vie. » Médite cette parole, mon cher frère, et n’oublie pas que celui qui parle ainsi est fils de roi. Ta position de fortune te met à même de donner à tes enfants l’éducation la plus complète qu’il soit possible d’imaginer, ne néglige rien, c’est ton devoir, et leur avenir s’en ressentira. Je te parle ainsi de tes enfants et de toi parce que, après une séparation de quelques années, nous sommes destinés à nous revoir. Par des routes diverses, et en plus ou moins de temps, nous arrivons tous au même terme : la mort. La mort, c’est la réunion de ceux qui se sont aimés. Notre père était un homme qui n’avait guère l’habitude de dérider devant nous son visage sévère : comment se fait-il que depuis des années je le vois en rêve et toujours souriant et bon ? Comment se fait-il que j’aie conservé pour ma mère un culte et une affection tendres, et de continuelles aspirations vers elle, moi qui ne l’ai jamais connue ? C’est qu’il y a entre nous, sans doute, une chaîne mystérieuse qui commence avant le berceau, s’étend au delà de la tombe, et dont la vie n’est qu’un chaînon. Oui, nous nous reverrons. Il ne faut pas regretter ceux qui meurent, parce qu’ils vont rejoindre ceux qu’il ont aimé et attendre ceux qui les aiment.

» Je connais toute l’affection que ta mère a pour moi ; je sais combien ma mort va la désoler. Console-la. Dis-lui qu’après tout ma vie a été tellement attristée, gâtée, désenchantée par les déceptions qui l’ont traversée, qu’en vérité je dois bien peu regretter de la quitter. Remercie-la de toutes les bontés qu’elle a eues pour moi. Qu’elle me pardonne les ennuis que je lui ai causés. — Dis à ta bonne et excellente femme de faire prier pour moi ses petits enfants ; qu’elle habitue ces petits anges à parler de l’oncle Gaston et à aimer sa mémoire. Bonne Laurence ! combien de fois, dans le cours de mes aventures, n’ai-je pas pensé qu’il eût mieux valu pour moi vivre calme et retiré, dans les saintes joies de la famille, avec une femme excellente comme elle. — Tu sais quels étaient mes amis. Dis-leur que je ne les ai pas oubliés. Au seuil de la tombe où je descendrai demain, tous ceux qui m’ont aimé me devien-