Page:La Madelène - Le comte Gaston de Raousset-Boulbon, sa vie et ses aventures, 1859.djvu/168

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» Je meurs à trente-six ans, plein de vie, plein de force, eh bien ! la vie me cause peu de regrets. La mienne a été traversée de beaucoup d’ennuis. J’ai une foi profonde dans l’immortalité de l’âme et dans une existence meilleure au delà du tombeau. La mort m’apparaît comme une heure de réveil et de liberté. Il ne faut pas plaindre ceux qui meurent ainsi.

» Il est encore une considération qui me donne beaucoup de calme ; c’est la grande quantité d’hommes qui, valant mieux que moi, ont, avant moi, péri par le supplice. Pourquoi me plaindrai-je de finir comme eux ?

» Je vous recommande de faire mes adieux à tous ceux que vous avez su être de mes amis. Si quelques-uns s’étonnaient que je ne me sois pas brûlé la cervelle, vous répondrez que j’ai considéré le suicide comme une désertion.

» À vous, à ceux qui m’ont apprécié et connu, je lègue le soin de ma mémoire. Je vous dis adieu du fond de mon âme et je vous attends dans un monde meilleur.

» Gaston de Raousset-Boulbon. »

« J’oubliais de dire particulièrement adieu à Mersoh, ce bon et noble cœur, cet esprit si délicat, si éclairé, si modeste ; lui pour qui j’ai eu tant d’estime et de sincère affection.


« Guaymas, le 11 août 1854.
À Monsieur ***,

» Mon ami, je serai fusillé demain matin ; je suis en capilla et c’est de là que je vous écris.

» Ma fidélité à ma parole et à des engagements qui se trouvent dans le livre de gravures que je vous ai confié, m’ont obligé à combattre le