Page:La Madelène - Le comte Gaston de Raousset-Boulbon, sa vie et ses aventures, 1859.djvu/25

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pensionnat des Jésuites, à Fribourg, le petit loup, terrifié par la mine sévère du vieux comte de Raousset, prit une seconde fois la fuite et passa deux nuits dans les bois ; on le ramena à demi-mort de froid et de faim.

Comme on le voit, les révérends Pères avaient en Gaston un merveilleux sujet pour prouver l’excellence de leur méthode d’éducation.

Gaston arriva au milieu de ses petits camarades, l’œil en dessous, les dents serrées, la main prête à repousser par la force toute attaque à sa qualité de nouveau. L’accueil qu’il reçut vainquit bien vite ses défiances ; sa générosité naturelle s’éveilla subitement en présence de la cordialité de ces joyeux enfants qui venaient à lui comme au devant d’un ami attendu. Son cœur gonflé se dilata, et, comme il se plaisait à le répéter depuis, pour la première fois son âme s’épanouit sans contrainte.

L’habileté des Jésuites est connue : au lieu de heurter à tout propos cette fierté, de froisser cet amour-propre, de provoquer pour les vaincre les révoltes de cet esprit violent, ils s’attachèrent surtout à développer les ardeurs généreuses de son âme. Ils tournèrent vers le travail son amour-propre même et son impétuosité. Ils lui firent faire par l’émulation et le point d’honneur ce qu’aucune autorité n’aurait obtenu de lui par la crainte. Gaston passa huit ans à Fribourg sans être puni une seule fois. Au dernier moment, le révérend Père recteur se démentit malheureusement, et, pour une infraction constatée, condamna Gaston à se mettre à genoux pendant l’étude du soir. Il n’était guère probable que le jeune homme de dix-sept ans accepterait l’humiliation contre laquelle l’enfant de huit ans avait protesté. Gaston résista