Page:La Madelène - Le comte Gaston de Raousset-Boulbon, sa vie et ses aventures, 1859.djvu/46

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ment la vareuse rouge du travailleur, mais qui parlait du comte, parlait de lui. En Sonore, quand on disait : El conde, chacun savait de qui il était question. C’était un gentilhomme dans la force du terme.

Pendant toute la durée du gouvernement provisoire, le comte fut un tribun éloquent et passionné. Inconnu, pour ainsi dire, de ses concitoyens, il lui fallut une activité incroyable pour poser sa candidature. Il parcourut tout son département ville par ville, bourgade par bourgade. Dédaigneux et fier avec les bourgeois, sollicitant leurs suffrages d’une voix hautaine, il savait à merveille se faire familier et simple avec les paysans et les ouvriers. Il eut de grands succès oratoires, et avec un peu de politique il eût emporté d’assaut cette élection qu’il devait par trois fois manquer de quelques milliers de voix. Par malheur pour lui, trop conservateur pour les démocrates, trop républicain pour les royalistes, il s’est trouvé dans la position fausse des gens qui vivent en dehors des partis, qui ont horreur des coteries et qui n’obéissent qu’aux cris de leur conscience jalouse.

M. de Raousset échoua donc aux élections générales.

Le 10 mai 1848, il fondait : La Liberté.

C’était le temps, on s’en souvient, des discussions ardentes et des polémiques passionnées : chaque jour des problèmes redoutables étaient posés, et leurs solutions servaient de menace à ceux qu’elles n’épouvantaient pas. D’autre part, la révolution de février avortait journellement ; rien ne sortait de ses entrailles déchirées, et les énigmes de l’avenir attendaient en vain leurs Œdipes. L’irritation naissait de cette impuissance même des partis ; la situation se tendait cruellement ; les moins