Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/170

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éternel, & nous berçant de belles chimeres, nous y conduire aux dépens de nos jours, ou de nos plaiſirs. La vraie, bien différente & plus ſage, n’admet qu’une félicité temporelle, elle ſeme les roſes & les fleurs ſur nos pas, & nous apprend à les cueillir.

Telles font les juſtes bornes dans leſquelles la ſageſſe fait ſe renfermer & contenir ſes vœux & ſes deſirs.

Je fais que Deſcartes dit que l’immortalité de l’ame eſt une de ces vérités, dont la connoiſſance eſt requiſe pour faciliter l’uſage de la vertu & le chemin du bonheur. Mais alors il ne parle point en philoſophe : & comme il avoue que le ſouverain bien n’eſt point une matiere qu’il aime à traiter, il eſt facile de voir que la prudence de l’auteur eſt proportionnée à la délicateſſe du ſujet. Il pouvoit craindre la publication de ſes lettres, & en conſéquence ces bons chrétiens qui ne cherchoient que la cruelle occaſion de le perdre, comme tous ceux qui oſent s’oppoſer à leurs opinions aveugles & deſpotiques. Liſez ſes excellentes lettres, pour voir toutes les inquiétudes & tous les chagrins que la ſaine théologie lui a fait eſſuyer, & tout ce qu’elle a remué pour empêcher ce grand homme d’établir ſa philoſophie, à laquelle, toute hypothétique qu’elle eſt, l’eſprit humain devra tous les progrès