Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/188

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à tous les corps animés, en vertu d’une diſpoſition particulière, qui ſuffiroit dans les animaux, & qui, dans l’homme, ſeroit de moitié avec l’éducation : ſyſtême qui ne peut ſe ſontenir, quand on conſidere ſeulement que, toutes choſes égales, les uns font plus ſujets aux remords que les autres, & qu’ils changent & varient avec elle. Telle eſt l’erreur de l’auteur de l’homme machine. Ou il n’a pas ſi bien connu la nature des remords, que l’auteur d’un petit livre bien fait & bien écrit, attribué à M. de St.-Evremond : ou (ce dont je ne l’aurois pas ſoupçonné) il n’a pas oſé s’armer contre tous les préjugés à la fois.

De même que le mal, le bien a ſes degrés.

L’idée de la vertu nous a été ſi peu donnée avec l’être, qu’elle n’y eſt pas même stable, quand l’éducation & le temps ont développé & orné nos organes. C’eſt un oiſeau ſur la branche, toujours prêt à s’envoler. Le premier pli ſe fait aiſément ; l’organiſation reprend machinalement ce que l’éducation ſemble lui avoir dérobé, comme ſi la perfection & l’art la gênoient. Qui ignore la contagion des mauvaiſes lectures, le danger des mauvaiſes compagnies ? Un exemple pervers, une ſeule converſation louche détruit ſouvent les plus beaux regards de l’éducation, & la nature vicieuſe s’applaudit de le redevenir. On diroit qu’elle s’en trouve plus à l’aile ; qu’elle boîte avec plaiſir, comme sol