Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/190

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& les fers que nous recevons en naiſſant, & qu nous ſuivent dans tout l’eſclavage de la vie. Voyez ces arbres plantés au haut & au pied d une montagne ; les uns ſont petits, les autres ſont grands ; non-ſeulement ils different par leurs germes, mais par le terrein plus ou moins chaud où ils ſont plantés. L’homme végete, ſuivant les mêmes loix ; il tient du climat où il vit, comme du pere dont il eſt ſorti ; tous les élémens dominent cette foible machine ; elle ne penſe point dans un air humide & lourd, comme dans un air pur & ſec. Ainſi dépendant de tant de cauſes externes, & à plus forte raiſon de tant d’internes, comment pourrions-nous nous diſpenſer d’être ce que nous ſommes ? Comment pourrions-nous régler des reſſorts que nous ne connoiſſons pas ?

Mais qui le croiroit ? le bien-être eſt le motif même dans la méchanceté. Il conduit le perfide, le tyran, l’aſſaſſin, comme l’honnête homme, La volonté eſt néceſſairement déterminée à deſirer de chercher ce qui peut faire l’avantage actuel de l’ame & du corps ; & comment, ſi ce n’eſt pas par ce qui la produit elle-même, je veux dire par la circulation, fans laquelle il n’y a plus ni volonté, ni ſentiment. Lorſque je fais le bien ou le mal ; que vertueux le matin, je ſuis vicieux le ſoir, c’eſt mon sang qui en eſt cauſe, c’eſt ce qui l’épaiſſit, l’arrête, le diſſout ou le précipite, comme lorſque,