Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/207

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gloire eſt un plus grand bien que de n’en point avoir.

N’y auroit-il point plus de grandeur d’ame à la méprîſer ? C’eſt ce qu’il faut demander aux Stoïciens. Voyez, diſent-ils, en levant d’orgueilleux ſourcils, voyez courir tous ces fous ; la gloire eſt leur objet ; ils cherchent l’eſtime publique, & nous la nôtre. Nous avons trop de vertu pour en faire parade. Nous verrons dans la ſuite que ces mêmes hommes ne mépriſent pas plus la réputation & l’honneur, que les richeſſes ; qu’ils font tout pour en avoir. Je n’en voudrois pas d’autre preuve, que toutes cas recherches d’eſprit étudié, que Séneque montre dans ſes écrits, & notamment dans celui-ci dont j’ai adouci de mon mieux l’affection.

Le mépris n’eſt pas plus un mal, que la louange n’eſt un bien. Mais nous ſommes aſſez dupes, encore une fois, pour tenir par l’imagination, à celle des autres, qui nous flatte, ou nous bleſſe par l’image agréable, ou déſagréable qui en réſulte dans le cerveau. Un diſcours choquant ou flatteur agit, comme un tableau beau ou laid, par le bene ou le maie placitum des anciens. C’eſt pourquoi on dit : telle choſe fait honneur, telle autre n’en fait point. Honneur ! ah ! qu’on eſt ſot, qu’on eſt à plaindre, quand on n’eſt point philoſophe ! & que bien des gens à qui on donne ce nom le méritent peu ! Je voudrois bien ſavoir, ſi les idées que les