Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/228

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tour-à-tour, & te faiſant nuit & jour fondre de volupté, rendent ton ame, s’il ſe peut, auſſi gluante & laſcive que ton corps. Enfin puiſque tu n’as point d’autres reſſources, tires-en parti : Bois, manges, dors, ronfles, rêves ; & ſi tu penſes quelquefois, que ce ſoit entre deux vins, & toujours, ou au plaiſir du moment préſent, ou au deſir ménagé pour l’heure ſuivante. Ou ſi, non content d’exceller dans le grand art des voluptés, la crapule & la débauche n’ont rien de trop fort pour toi, l’ordure & l’infamie ſont ton partage ; vautres-toi, comme font les porcs, & tu ſeras heureux à leur maniere. Je ne te dis au reſte que ce que tu te conſeilles à toi-même & ce que tu fais. Je perdrois mon temps & ma peine à prendre un autre ton : parler de tempérance à un débauché, c’eſt parler d’humanité à un tyran.

Qu’on ne diſe point que j’invite au crime ; car je n’invite qu’au repos dans le crime. L’homme paroît en général un animal faux, ruſé, dangereux, perfide, &c. il ſemble ſuivre plutôt la fougue du ſang & de ſes paſſions, que les idées qu’il a reçues dès l’enfance & qui font la baſe de la loi naturelle & des remords. Voilà à quoi ſe réduit en ſubſtance tout ce que je dis. Mon but eſt de raiſonner & d’aller aux cauſes, en faiſant abſtraction des conſéquences, qui cependant n’en ſeront ni plus fâcheuſes, ni plus difficiles à réprimer.