Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/234

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paroît juſtice, comment concilier enſemble des intérêts ſi oppoſés ? A qui donner la préférence ? La vérité, comme tout bon parti, (c’eſt encore l’idée de mon philoſophe, & de celui de la nature) doit ſe ſoutenir juſqu’au feu ; mais excluſivement. Les loix les plus injuſtes ont la force en main il n y a qu’un fou qui oſe les braver. La loi de nature, faite avant toutes les autres loix, nous dicte de leur livrer plutôt la vérité que nos corps. Il eſt naturel de traiter la vertu, comme la vérité. Ce ſont des êtres qui ne valent, qu’autant qu’ils ſervent à celui qui les poſſede. Vous éclairez les hommes, vous ſervez la ſociété à vos dépens ; c’eſt le fruit de l’éducation, le germe en eſt dans l’amour-propre, mais non dans la nature. Mais faute de telle ou telle vertu, de telle ou telle vérité, les ſciences & la ſociété en ſouffriront ? Soit ; mais ſi je ne la prive point de ces avantages, moi j’en ſouffrirai. Eſt ce pour autrui, ou pour moi, que la nature & la raiſon m’ordonnent d’être heureux ? Le poëte Auterau, dans Démocrite prétendu fou, répond en vrai philoſophe, on eſt heureux pour les autres.

Cela poſé, à combien peu de frais, & de combien de façons on peut être heureux ! Et qui n’admireroit la magnificence de la nature dans ſa grande ſimplicité ? Comme toutes les veines portent le ſang au cœur par une ſeule, le plaiſir & la douleur,