Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/235

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modifiés à l’infini, arrivent à l’ame par un ſeul chemin, qui eſt le ſentiment. Pour le former, il a fallu que tous les nerfs ſe donnaſſent, pour ainſi-dire, un rendez-vous, dans un endroit particulier du cerveau, où ils ſont tous réunis. Et comme encore le cœur ſe contracte plus ſouvent, ou plus fortement, quand le ſang & les eſprits y ſont abondamment précipités par diverſes cauſes ; de même le ſentiment de notre bien ou mal-être s’aiguiſe & s’excite par celles qui agiſſent intérieurement ou extérieurement ſur nos organes ſenſitifs. De ſorte que celui dont les nerfs ſont le plus agréablement affectés par quelque cauſe que ce ſoit, eſt néceſſairement le plus heureux.

Tel eſt le tronc, duquel partent toutes les branches du bonheur, luxe charmant de l’arbre de la vie, à l’ombre duquel, ſi par fois nos chagrins nous éclairent trop vivement ſur notre condition, il faut être bien peu ſage, pour ne pouvoir pas les ſupporter avec patience.

Voilà le but que nous nous étions propoſé d’atteindre : le champ eſt vaſte, la carriere brillante : ſi nous avons ſu la remplir avec autant de diſtinction, que nous nous ſommes écartés de la route ordinaire des philoſophes & des beaux eſprits.

Il ne me reſte plus qu’à parler de mon auteur,