Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/25

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cette matrice, qui d’une goutte de liqueur fait un enfant. Ayant fait, ſans voir, des yeux qui voient, elle a fait ſans penſer, une machine qui penſe. Quand on voit un peu de morve produire une créature vivante, pleine d’eſprit & de beauté, capable de s’élever au ſublime du ſtyle, des mœurs, de la volupté, peut-on être ſurpris qu’un peu de cervelle de plus ou de moins, conſtitue le génie, ou l’imbécillité ?

XXVIII.

La faculté de penſer n’ayant pas une autre ſource que celle de voir, d’entendre, de parler, de ſe reproduire, je ne vois pas quelle abſurdité il y auroit de faire venir un être intelligent d’une cauſe aveugle. Combien d’enfans extrêmement ſpirituels, dont les pere & mere ſont parfaitement ſtupides & imbécilles !

XXIX.

Mais, ô bon dieu ! Dans quels vils inſectes n’y a-t-il pas à-peu-près autant d’eſprit, que dans ceux qui paſſent une vie doctement puérile à les obſerver ! Dans quels animaux les plus inutiles, les plus venimeux, les plus féroces, & dont on ne peut trop purger la terre, ne brille pas quelque rayon d’intelligence ? Suppoſerons-nous une cauſe