Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/40

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ce chiffre qui ne compte point, qui ne fait point nombre par lui même ; c’eſt ce chiffre, pour lequel il n’y a rien à payer, qui cauſe tant d’alarmes & d’inquiétudes ; qui fait flotter les uns dans une incertitude cruelle, & fait tellement trembler les autres, que certains n’y peuvent penſer ſans horreur. Le ſeul nom de la mort les fait frémir. Le paſſage de quelque choſe à rien, de la vie à la mort, de l’être au néant, eſt-il donc plus inconcevable, que le paſſage de rien à quelque chose, du néant à l’être, ou à la vie ? Non, il n’eſt pas moins naturel ; & s’il eſt plus violent, il eſt auſſi plus néceſſaire.

LVII.

Accoutumons-nous à le penſer, & nous ne nous affligerons pas plus de nous voir mourir, que de voir la lame uſer enfin le fourreau ; nous ne donnerons point de larmes puériles à ce qui doit indiſpenſablement arriver. Faut-il donc tant de force de raiſon, pour faire le ſacrifice de nous-mêmes, & y être toujours prêts. Quelle autre force nous retient à ce qui nous quitte ?

LVIII.

Pour être vraiment ſage, il ne ſuffit pas de ſavoir vivre heureux dans la médiocrité, il faut ſavoir