Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/48

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par des liens rompus, je tâcherai de les ſéduire par des ſentimens généreux, de leur inſpirer cette grandeur d’ame, à qui tout cede ; enfin faiſant valoir les droits de l’humanité, qui vont devant tout, je montrerai ces relations cheres & ſacrées, plus patétiques que les plus éloquens diſcours. Je ferai paroître une épouſe, une maîtreſſe en pleurs ; des enfans déſolés, que la mort d’un pere va laiſſer ſans éducation ſur la face de la terre. Qui n’entendroit des cris ſi touchans du bord du tombeau ? Qui ne t’ouvriroit une paupière mourante ? Quel eſt le lâche qui refuſe de porter un fardeau utile à pluſieurs ? Quel eſt le monſtre, qui par une douleur d’un moment, s’arrachant à ſa famille, à ses amis, à ſa patrie, n’a pour but que de ſe délivrer des devoirs les plus ſacrés !

LXXV.

Que pourroient contre de tels argumens, tous ceux d’une ſecte, qui, quoiqu’on[1] en diſe, n’a fait de grands hommes qu’aux dépens de l’humanité ?

LXXVI.

Il eſt aſſez indifférent par quel aiguillon on excite les hommes à la vertu. La religion n’eſt néceſſaire que pour qui n’eſt pas capable de ſentir l’humanité.

  1. Esprit des loix, T. I.