Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/79

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Chapitre troiſième.

Rien de plus charmant que cette contemplation, elle a pour objet cette échelle imperceptiblement graduée, qu’on voit la nature exactement paſſer par tous ſes degrés, ſans jamais ſauter en quelque ſorte un ſeul échelon dans toutes ſes productions diverſes. Quel tableau nous offre le ſpectacle de l’univers ! Tout y eſt parfaitement aſſorti, rien n’y tranche ; ſi l’on paſſe du blanc au noir, c’eſt par une infinité de nuances, ou de degrés, qui rendent ce paſſage infiniment agréable.

L’homme & la plante forment le blanc & le noir ; les quadrupedes, les oiſeaux, les poiſſons, les inſectes, les amphibies, nous montrent les couleurs intermédiaires qui adouciſſent ce frappant contraſte. Sans ces couleurs, ſans les opérations animales, toutes différentes entr’elles, que je veux déſigner ſous ce nom ; l’homme, ce ſuperbe animal, fait de boue comme les autres, eût cru être un dieu ſur la terre, & n’eut adoré que lui.

Il n’y a point d’animal ſi chétif & ſi vil en apparence, dont la vue ne diminue l’amour-propre d’un philoſophe. Si le haſard nous a placés au haut de l’échelle, ſongeons qu’un rien de plus ou de moins dans le cerveau, où eſt l’ame de tous les hommes, (excepté des Léibnitiens) peut ſur le champ nous