Page:La Mettrie - Œuvres philosophiques, éd. de Berlin, Tome second, 1796.djvu/91

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vue d’un maître & d’un mets chéri ; leur choix des moyens les plus propres a fe tirer d’affaire ; tant de fignes ii frappans ne fuffiroient-ils pas pour prouver que notre vanité, en leuraflignant l’inftinft, pour nous décorer de cet être bizarre , inconftant & volage, nommé la raifon , nous a plus diftingués de nom , que d’effet ? Mais , dit-on , la parole manque aux animaux ? admirable objeftion ! dites aufïi qu’ils marchent à quatre pattes, & ne voient le ciel, que couchés fur le dos ; reprochez enfin à l’auteur de la nature l’innocent plaifir qu’il a pris à varier Tes ouvrages.

Qui prive les animaux du don de la parole ? Un rien peut-être ; ce rien de Fonte.nelle, qui le distingue autant lui-même de prefque tous les autres hommes , que ceux-ci le font des brutes. Peut-être encore que ce foible obftacle fera un jour levé ; la chofe n’eft pas impoflible , félon l’auteur de l homme machin*. Le féduifant exemple que celui de fon grand linge ! & les beaux projets qui lui ont pafle par la tête !

Si les hommes parlent, ils doivent fonger qu’ils n’ont pas toujours parlé. Tant qu’ils n’ont été qu’à l’école de la nature , des fons inarticulés, tels que ceux des animaux , ont été leur premier langage. Antérieur à l’art & à la parole, ç’eft celui de la machine, il n’appartient qu’à elle. Par combien d’ailleurs de geftes & de fignes, le langage le plus