Page:La Mettrie - L'homme machine, 1748.djvu/58

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en conviendront. Qu'étoit l'Homme, avant l'invention des Mots & la connoissance des Langues? Un Animal de son espèce, qui avec beaucoup moins d'instinct naturel, que les autres, dont alors il ne se croioit pas Roi, n'étoit distingué du Singe & des autres Animaux, que comme le Singe l'est lui-même; je veux dire, par une physionomie qui annonçoit plus de discernement. Réduit à la seule connoissance intuitive des Leibnitiens, il ne voioit que des Figures & des Couleurs, sans pouvoir rien distinguer entr'elles; vieux, comme jeune, Enfant à tout âge, il bégaioit ses sensations & ses besoins, comme un chien affamé, ou ennuié du repos, demande à manger, ou à se promener.

Les Mots, les Langues, les Loix, les Sciences, les Beaux Arts sont venus; & par eux enfin le Diamant brut de notre esprit a été poli. On a dressé un Homme, comme un Animal; on est devenu Auteur, comme Porte-faix. Un Geomètre a appris à faire les Démonstrations & les Calculs les plus difficiles, comme un Singe à ôter, ou mettre