Page:La Mettrie - L'homme machine, 1748.djvu/66

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elle encore une fois qui est l'Ame, puisqu'elle en fait tous les Rôles. Par elle, par son pinceau flateur, le froid squélette de la Raison prend des chairs vives & vermeilles; par elle les Sciences fleurissent, les Arts s'embellissent, les Bois parlent, les Echos soupirent, les Rochers pleurent, le Marbre respire, tout prend vie parmi les corps inanimés. C'est elle encore qui ajoute à la tendresse d'un cœur amoureux, le piquant attrait de la volupté. Elle la fait germer dans le Cabinet du Philosophe, & du Pédant poudreux; elle forme enfin les Savans, comme les Orateurs & les Poëtes. Sotement décriée par les uns, vainement distinguée par les autres, qui tous l'ont mal connüe, elle ne marche pas seulement à la suite des Graces & des beaux Arts, elle ne peint pas seulement la Nature, elle peut aussi la mesurer. Elle raisonne, juge, pénètre, compare, approfondit. Pourroit-elle si bien sentir les beautés des tableaux qui lui sont tracés, sans en découvrir les rapports? Non; comme elle ne peut se replier sur les plaisirs des sens, sans en goûter toute la perfection, ou la volupté, elle ne peut