Page:La Motte-Fouqué - Ondine, Hachette, 1913.djvu/62

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« Cette Bertalda est à la vérité une jeune fille orgueilleuse et singulière. Le deuxième jour, elle me plut déjà moins que le premier ; le troisième, mon affection se mêla d’inquiétude. Mais je demeurai à ses côtés, parce qu’elle me montrait plus de sympathie qu’aux autres chevaliers. Il arriva, qu’en plaisantant, je lui demandai un de ses gants : « Oui, fit-elle, si vous avez le courage d’aller explorer la forêt maudite pour me dire ce qui s’y passe. »

« Je ne tenais guère à son gant ; mais mon amour-propre se trouva en jeu : il n’est rien qu’un chevalier puisse refuser à une dame. »

Ondine interrompit encore pour exprimer son étonnement d’une telle façon d’aimer les gens ; pour elle, jamais l’idée ne lui serait venue de chasser loin de sa présence et vers des dangers inconnus l’objet de son amour.

« Je me mis donc en route hier matin, reprit le chevalier ; le temps était limpide ; la rosée scintillait au soleil sur les herbes, et la forêt, aux beaux ombrages verdoyants, m’apparaissait comme rien moins que terrible. Je m’y engageai, tout confiant, au petit trot de mon cheval.

« À un certain moment, comme je ne me rendais plus bien compte de la route que je suivais, j’arrêtai ma monture et levai les yeux au ciel pour interroger la position du soleil. Dans ce mouvement, j’aperçus, entre les branches d’un chêne, une étrange créature noire, assez semblable à un ours. Elle me considérait en ricanant, et me dit : « Je suis en train de faire provision de bois pour alimenter