Page:La Nature, 1877, S1.djvu/248

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semblables à des palmiers par le port, plongent leurs racines dans la vase des lagunes à demi salées, et laissent tomber leurs fruits réunis en régime à la surface des eaux qui baignent leur pied et qui entraînent ces organes dans les sédiments déposés au temps des crues.

Fig. 1. — Nipadites Burtini (Brongn.) Schimp.

Les cours d’eau qui se jetaient au fond du golfe éocène parisien, avaient leur embouchure accompagnée d’une lisière de Nipa (Nipadites Burtini Brongn. (fig. 1), N. Purkinsoni Bow., N. Bowerbanki Ett.), dont les fruits, tombés au fond de l’eau, après avoir flotté, sont parfois d’une admirable conservation. Il en est particulièrement ainsi de ceux de l’île de Sheppy, décrits par Bowerbanck ; mais alors des sucs calcaires ou siliceux, ou encore métalliques les ont pénétrés, en conservant et, consolidant les détails de leur structure. À Paris, dans la vase marno-sableuse du Trocadéro, ces mêmes fruits se montrent à l’étal d’empreintes. À la suite des travaux de terrassement entrepris sur ce point à l’occasion de l’Exposition de 1867, des dépôts fluvio-marins, provenant de l’embouchure d’un cours d’eau, furent mis à découvert, et l’on put recueillir dans un des lits, formé d’un limon sablo-marneux, un assez bon nombre de végétaux fossiles. Ils donnent une idée fort juste de la flore immédiatement riveraine et des plantes mêmes qui encombraient les lagunes de l’estuaire, ou qui hantaient les grèves littorales, à une faible distance de la mer.


Fig. 2. — Ottelia parisiensis Sap.
Dans les eaux même, vivait, à la façon de nos potamots, une hydrocharidée aux larges feuilles multi-nerviées, flottantes et submergées, proche parente et probablement congénère des Ottelia actuels, qui jouent le même rôle dans les lagunes littorales et le voisinage des embouchures, dans l’Afrique, aux Indes, à Ceylan et jusque dans l’Australie. L’espèce du Trocadéro (Ottelia parisiensis Sap. (fig. 2), Phyllites multinervis Brongn.) retrace visiblement les principaux traits de l’Ottelia ulvœfolia Pl., indigène de la côte orientale de Madagascar, dont elle atteignait ou dépassait même, dans certains cas, les dimensions. Les fruits de Nipa n’étaient pas rares dans la vase inondée qui servait de sol à l’Ottelia parisiensis ; les frondes de ces végétaux, qui garnissaient la plage environnante, n’ont pas été encore observées à Paris ou à Londres, dans les dépôts où l’on recueille les vestiges de leurs fruits ; mais, dans un terrain de Provence beaucoup plus ancien, classé depuis peu sur l’horizon de la craie supérieure, dans les lignites du bassin de Fureau, on a recueilli d’abord des fruits semblables à ceux de Paris, quoique beaucoup plus petits, et récemment, grâce aux soins d’un ouvrier intelligent[1], la partie supérieure d’une fronde pinnée de Nipa, qui rappelle par sa conformation celles du dattier et du cocotier, et ressemble par cela même au Nipa fruticans de l’Inde, bien que les proportions en soient plus modestes.

Fig. 3. — Nerium parisiense Sap. Laurier rose éocène des marnes du Trocadéro.
1-3. Feuilles. — 4. Corolle vue par-dessous.

Parmi les autres espèces du Trocadéro qui fréquentaient les abords de l’ancienne plage ou la lisière des eaux courantes, il faut citer en première ligne une Euphorbe, analogue aux grandes espèces frutescentes du genre, qui croissent le long des côtes et sur la déclivité des falaises maritimes, dans le midi de l’Europe, en Afrique et aux Canaries ; puis un laurier-rose, Nerium parisiense Sap. (fig. 3) ; ami

  1. M. Vitalis, maître mineur à Créasque