Page:La Nature, 1877, S2.djvu/266

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

lement analogues qu’elles renferment. Un genre de plantes sarmenteuses et volubiles, dont les liges devaient s’enlacer dès cette époque aux branches des plus grands arbres et s’associer aux Salsepareilles, a encore laissé des traces incontestables de sa présence à Radoboj ; je veux parler des Aristoloches, dont la figure 7 représente une fort belle espèce, provenant de cette localité et qui paraît avoir échappé à la perspicacité du professeur Unger, qui ne l’a pas connue.

La localité de Coumi (île d’Eubée) se distingue de celle de Manosque, dont elle est contemporaine, par une plus grande profusion de formes méridionales, bien que celles de la zone tempérée soient loin d’en être exclues. Les genres aune, bouleau, charme, peuplier, érable, s’y trouvent représentés, mais seulement à l’aide d’un petit nombre d’exemplaires. Les chênes verts, les Myricées à feuilles persistantes, les Diospyros, les Myrsinées, les Légumineuses abondent et forment la grande masse de l’ensemble. On distingue une Araliacée de type africain (fig. 8), dont les feuilles digitées ressemblent à celles des Cussonia ; les Acacias y sont fréquents, les Séquoia et les Glyptostrobus dominent parmi les Conifères, sans exclure précisément les Callitris et Widdringtonia, à l’exemple de ce qui se passait en Provence à la même époque. Les Palmiers sont jusqu’ici inconnus à Coumi, mais, en revanche et comme pour attester l’influence de la latitude et le voisinage de l’Afrique, une Cycadée congénère des Encephalartos de ce continent y a été découverte, il y a environ trois ans, par M. Gorceix ; c’est l’Encephalartos Gorceixianus, Sap., dont la figure 9 représente une fronde presque entière. Cette Cycadée est sans doute une des dernières qui ait persisté sur le sol de l’Europe tertiaire, où la présence du groupe a été longtemps considérée comme problématique. Il faut bien l’avouer, nous ne connaissons que très-superficiellement la végétation miocène et seulement par ses côtés les plus vulgaires. Les stations rapprochées des eaux ou voisines des parties boisées sont presque les seules dont il nous ait été donné de recueillir les plantes. Les autres points situés à l’écart, abrités par certains accidents du sol, ou placés dans des conditions toutes spéciales, nous échappent nécessairement. Bien des épaves soustraites aux destructions antérieures devaient alors survivre çà et là au sein de l’Europe, comme ces édifices gothiques qui frappent l’œil au milieu des quartiers modernes de nos grandes villes. Cette uniformité qui nous frappe si justement dans la flore aquitanienne devait s’étendre surtout au voisinage des lacs, alors si nombreux. Certaines stations, plus rares et en général plus pauvres que les dépôts les mieux connus, semblent échapper effectivement aux effets de l’uniformité dont l’aspect paraît alors si général ; ces stations nous dévoilent tout d’un coup le tableau d’associations végétales dont la physionomie contraste avec celles que l’on observe le plus ordinairement. Il en est ainsi de Bonnieux, en Provence, localité voisine d’Apt (Vaucluse) et contemporaine, de celle de Manosque. Des Protéacées, des Rhizocaulées, de maigres Quercinées, un saule de type entièrement exotique, des arbustes de petite taille et probablement chétifs de feuillage, peuplaient ce canton, lors de l’aquitanien ; là aussi une Cycadée (Zamites epibius, Sap.) a laissé l’empreinte d’une fronde de petite taille, et cette empreinte se trouve accompagnée d’une autre qui rappelle singulièrement les strobiles de certaines Zamiées actuelles.

Il faut conclure de ces divers faits que dans toutes les époques la nature végétale ne s’est dépouillée que graduellement de l’aspect qu’elle avait d’abord revêtu, et qu’elle a gardé plus ou moins longtemps certains éléments isolés et comme dépaysés au milieu d’un ensemble déjà presque entièrement renouvelé. C’est ainsi que, de nos jours, plusieurs plantes européennes ne se maintiennent plus que par artifice, sur des points restreints ou même dans des stations uniques ; d’autres, comme le Ceratonia siliqua et le Chamœrops humilis, achèvent de disparaitre du sol français, tandis que le houx a quitté, il y a moins d’un siècle, la Norvège où l’on en connaissait quelques individus que l’on chercherait vainement à l’heure qu’il est. Cte G. de Saporta
Correspondant de l’Institut.