Page:La Nature, 1878, S2.djvu/11

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dans le nord, ni même le Ventoux, qui domine les vallées d’Apt, encore moins Sainte-Victoire, située dans la même relation par rapport au lac gypseux d’Aix, pas plus que les massifs de la Sainte-Baume et de l’Étoile, au pied desquels sont placés les dépôts lacustres de Saint-Zacharie et d’Aubagne, ne suffisent pour expliquer la présence de semblables dépressions. Il est donc permis de supposer que les montagnes de la région provençale ont perdu depuis la fin de l’éocène une partie de leur relief et ne constituent réellement que des hauteurs inférieures à celles d’autrefois, si l’on tient compte des roches triturées et des fragments détritiques arrachés jadis à leurs flancs et accumulés au fond des bassins lacustres étendus à leur pied. Ce voisinage immédiat des montagnes près des lacs de l’éocène supérieur en Provence a permis de saisir quelques-uns des traits qui distinguaient les bois montagneux et la végétation sous-alpine de l’époque. Il est maintenant certain que la flore des gypses d’Aix comprenait un bouleau, un orme, un frêne, plusieurs saules ou peupliers, un érable, qui croissaient dans une région supérieure et formaient une association végétale différente de celle des alentours immédiats du lac. Celle-ci se composait de palmiers, de dragonniers et même de bananiers ; elle présentait des Callitris, des Widdringtonia, des Podocarpus, des pins, et, en fait de Dicotylédones, en première ligne, des Laurinées, des Bombacées, des Araliacées, des Anacardiacées et des Mimosées. En inscrivant les plus récentes découvertes, on constate qu’il existait au moins cinq espèces de Palmiers dans la flore des gypses d’Aix, dont une seulement, le Sabal major. Ung., se retrouve dans le miocène. (Voy. Vue idéale, fig. 4.)

L’exemple tiré de la flore d’Aix prouve que vers la fin de l’éocène, les types à feuilles caduques ne se montraient guère au-dessous d’un certain niveau altitudinaire, sur lequel leur présence accuse pourtant dès lors l’influence d’une saison plus froide se manifestant sur le flanc des montagnes, à une hauteur déterminée. On conçoit très-bien, par cela même, comment ces mêmes types descendirent vers les régions inférieures pour s’y étendre et s’y multiplier, dès qu’un abaissement d’abord modéré, et, en réalité, peu sensible, joint à l’humidité croissante du climat, vint favoriser ce mouvement. C’est ce qui eut effectivement lieu dans l’oligocène, cette période de transition qui succède immédiatement à l’éocène et qui précède le miocène proprement dit.

Il faut distinguer ce mouvement, si facilement réalisable, partout où des régions élevées se trouvaient en contact avec des plaines inférieures, d’un autre mouvement contemporain du premier, mais bien plus général dans ses effets qui exigèrent pourtant un temps plus long pour s’accomplir. Je veux parler de l’exode d’une foule de types et d’espèces arctiques, s’avançant vers le sud et quittant les alentours du pôle sous l’impulsion de la température qui s’abaisse et du climat devenu graduellement plus humide. C’est dans l’oligène qu’il faut placer aussi l’origine de ce mouvement, qui, pourtant, ne se généralisa que dans la période suivante.

Le nouveau changement qui modifia la configuration de l’Europe par l’établissement de la mer oligocène dut contribuer à rendre le climat européen plus tempéré et moins extrême. Nous avons constaté que cette mer était une mer septentrionale et son influence agit certainement en sens inverse de celle qu’avait exercée la mer nummulitique. Les types africains et austro-indiens commencèrent donc à rétrograder, tandis que les lacs antérieurs occupaient les mêmes emplacements ou augmentaient en nombre et en étendue, dans le sud de l’Europe. C’est par le moyen des sédiments lacustres de cet âge que la flore oligocène se trouve si bien connue. Nous avons vu que les localités de Sagor, Haering, Sotzka, Mont Promina, Salcedo et bien d’autres appartenaient à cet horizon, sur lequel il faut également ranger les flores provençales de Gargas, Saint-Zacharie, Saint-Jean-de-Garguier et celle de Ceylas dans le Gard. Le mouvement qui amena la multiplication des types à feuilles caduques au sein de ces flores fut évidemment très-lent à se produire ; probablement aussi le climat ne changea de caractère que d’une façon graduelle et par une marche, pour ainsi dire, insensible. En Provence, c’est seulement par la répétition plus fréquente des charmes, des ormes, de certains érables, et aussi par la prédominance d’un palmier, le Sabal major, auparavant très-rare, enfin par l’introduction de certains types, plus spécialement des Chamœcyparis, du Libocedrus salicornioides, du Séquoia Sternbergii, du Comptonia dryandrœfolia, sortes de plantes mieux adaptées à un sol et à un climat humides que ne l’étaient leurs devancières, que la révolution végétale en voie de s’accomplir commence à se manifester. Le fond de la végétation reste cependant le même, non pas seulement en Provence, mais partout où la flore oligocène a laissé des traces, soit en Styrie (Sotzka) ou en Dalmatie (Mont Promina), soit dans le Tyrol (Hæring), soit enfin dans le centre de la France (Ronzon, Haute-Loire). Les exemples d’espèces empruntées à ces diverses localités, que nous avons figurées, nous dispensent de revenir sur les appréciations qu’elles nous ont suggérées. Cte G. de Saporta
Correspondant de l’Institut.

La suite prochainement. —