Page:La Nature, 1878, S2.djvu/119

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venus jusqu’à nous. Les Laurinées ont dû réellement comprendre dès cette époque les mêmes coupes génériques que de nos jours et notamment des Cinnamomum, Laurus, Persea, Sassafras. Il faudrait donc, d’après de pareils indices, remonter plus loin que le tertiaire pour retrouver une période de Dicotylédones ou simplement d’Angiospermes prototypiques comprenant des genres flottants, n’ayant encore qu’une partie de leurs caractères distinctifs ou servant de passage des uns vers les autres. Il faudrait même, je le crois, explorer au delà de la craie cénomanienne pour découvrir quelque chose des débuts de la classe, réduite à l’état d’ébauche. Cet horizon cénomanien est celui des plus anciennes Dicotylédones connues et déjà il nous présente un certain nombre de types dont les variations subséquentes n’ont plus été que d’une nature purement spécifique : le lierre, le magnolia, le genre Hymenea parmi les Légumineuses-cæsalpiniées doivent être signalés en première ligne. On peut dire cependant, en examinant cette première association de Dicotylédones, qu’elle comprend de préférence des types floraux moins complexes, formés de parties plus distinctes et résultant d’une soudure moins avancée que ceux qui suivirent. Les découvertes futures apporteront seules, si elles se réalisent jamais, la clef d’un pareil problème. Il est à croire également que les plus anciens palmiers, ceux qui proviennent de la craie supérieure, ne sont réellement pas les premiers en date ; ils marquent sans doute l’un des stades d’une marche évolutive, déjà éloignée de son origine. Cependant l’espèce la plus répandue, le Flabellaria longirhachis Ung, reproduit l’apparence d’un type intermédiaire aux frondes flabellées et aux frondes piannées. L’aspect est celui de deux formes spéciales aux Séchelles et qui sont le Phœnicophorium Sechellarium Wendl, et le Verschaffeltia splendida.

Ainsi, ce ne sont pas des genres proprement dits, mais plutôt des sous-genres et des sections ou groupes d’espèces dont il serait possible de suivre la marche et de décrire la formation, à travers le cours du tertiaire, si tous les organes des végétaux de cet âge étaient venus jusqu’à nous, de telle façon qu’il fût possible d’analyser les parties des fleurs et la structure intérieure des organes de la fructification, comme on le fait lorsqu’il s’agit de la dentition et du squelette des vertébrés.

Les types végétaux sont incontestablement plus tenaces, leur vie est plus longue et leurs caractères essentiels sont moins mobiles, que ne le sont les types correspondants de l’autre règne. Il faut donc se contenter, dans l’examen que l’on en fait, de suivre et de définir les innombrables diversités spécifiques auxquelles leurs genres, une fois fixés, ont donné lieu. Cette disposition inhérente à l’organisme des végétaux, sous l’influence du temps et des circonstances, a fait naître d’incessantes variations que la comparaison des formes fossiles avec leurs homologues actuels permet de définir très-rigoureusement.

L’enchaînement qui relie toute une série d’espèces affines et qui nous amène de la plus ancienne jusqu’à celle que nous avons encore sous les yeux, se compose souvent d’un nombre relativement considérable de termes successifs, assez rapprochés pour faire disparaître la plupart des lacunes. Par ce moyen qui s’appuye, il est vrai, sur l’examen des feuilles seulement, on découvre réellement les vicissitudes d’une filiation dont l’origine remonte plus ou moins haut dans le passé et qui, dans certain cas, s’avance au delà de l’époque tertiaire. Nous constatons ainsi que, si les Dicotylédones, à un moment donné voisin de leur berceau et par des procédés dont le mécanisme nous échappe faute de documents, ont donné l’exemple d’une évolution rapide et d’une extension plus rapide encore, après une longue période d’obscurité, leurs types une fois caractérisés ont manifesté au contraire une remarquable fixité, tout en demeurant plastiques, non plus dans les traits constitutifs de leur structure, mais par certains côtés secondaires. Ce sont ces variations de détails qui ont engendré successivement toutes les formes auxquelles les botanistes s’accordent à appliquer le nom d’espèce.

Fig. 3. — Formes successives du type Laurier, pour montrer le passage conduisant du Laurus primigenia au Laurus canariensis.
1. Laurus primigenia, Ung. (Oligocène). — 2. Laurus primigenia, Ung. (Oligocène sup.). — 3. Laurus primigenia, Ung. (Aquitanien ). — 4. Laurus princeps, Hr. (Miocène sup.). — 5. Laurus canariensis pliocenica (Meximieux).

Pour signaler des exemples saillants de ces sortes de filiations, conduisant à travers les âges d’une espèce à une autre plus ancienne, celle-ci étant elle-même précédée par une forme antérieure, jusqu’à la plus reculée dans le temps qu’il ait été donné de découvrir, il faut s’arrêter de préférence à certains types à la fois tenaces et peu féconds ou même réduits sous nos yeux à une espèce unique, mais en même temps n’ayant jamais quitté le sol de l’Europe. Il en est ainsi, entre autres, du laurier, du lierre, de la vigne, du laurier-rose, du gaînier, de divers érables, etc., dont nos figures aideront à saisir la marche à travers