Page:La Nature, 1878, S2.djvu/121

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est vrai ; la base est arrondie ou conformée en coin obtus ; les nervures principales ne comptent jamais au delà de deux paires, outre la médiane. Cette espèce rappelle incontestablement noire race irlandaise dont elle diffère seulement par la distance proportionnelle plus marquée entre les nervures basilaires et les secondaires issues de la médiane, qui sont moins développées que dans notre lierre. Il en est du lierre comme de la vigne, du sassafras et de quelques autres types ; on cesse de les rencontrer ou du moins leur présence devient exceptionnelle dans le cours de l’éocène proprement dit. Il est probable que la chaleur sèche du climat restreignit alors l’aire d’habitation de ces types et obligea certains d’entre eux à émigrer vers le nord ou à se réfugier sur le haut des montagnes.

On n’a découvert jusqu’ici aucune trace du lierre ni dans le calcaire grossier parisien, ni dans les grès de la Sarthe, ni à Skopau ou à Monte-Bolca ; le dépôt des gypses d’Aix n’en avait pas encore offert de vestige ; mais une découverte importante, due à M. le professeur Philibert, est venue démontrer tout récemment l’existence du lierre éocène et en même temps sa rareté à cette époque, puisqu’il s’agit de l’empreinte d’une feuille unique, ayant appartenu aux rameaux appliqués ; elle a été apportée peut-être de loin et provient sans doute d’une station moins chaude que la zone de végétaux qui servait de ceinture immédiate à l’ancien lac. Le climat éocène a produit sur le lierre d’Aix, Hedera Philiberti Sap., son influence ordinaire ; la feuille de cette espèce est relativement étroite et allongée ; son sommet donne lieu à une pointe apicale beaucoup plus développée que les lobules latéraux, réduits à de simples sinuosités anguleuses. Celte remarquable empreinte a tout à fait l’aspect et retrace les caractères des formes les plus maigres du lierre d’Alger, et notre lierre indigène offre parfois aussi, lorsque ses tiges rampent sur le sol, des variétés analogues à celle-ci ; en sorte que l’Hedera Philiberti représente le point de départ commun du lierre européen actuel et de la race algérienne.

Fig. 5. — Modifications successives du type Laurier-rose (Nerium), depuis la craie supérieure jusqu’à nos jours.
1. Nerium Rohlii, Mark (Craie sup. de Westphalie). — 2. Nerium parisiense, Sap. (Éocène du bassin de Paris). — 3-4. Nerium sarthacense, Sap. (Éocène moyen, Grès de la Sarthe). — 3. Nerium repertum, Sap. (Eocène sup., Gypses d’Aix). — 6. Nerium Gaudryanum, Brngt. (Miocène inf., Oropo). — 7. Nerium bilinicum, Ett. (Miocène sup., Bohême). — 8-9. Nerium oleander pliocenicum Sap. (Pliocène inf., Meximieux). — 10. Nerium oleander, L. (époque actuelle, bords de la Méditerranée)

Dans le miocène inférieur de la région arctique, c’est à la race irlandaise ou lierre d’Irlande que correspond l’Hedera Mac-Chiri Hr., qui revêt une forme à peine distincte de celui-là. L’Hedera Kargii Br., du miocène supérieur d’Œningen, nous fait connaître une race à très-petites feuilles qui semble dériver, à l’aide de plusieurs intermédiaires aujourd’hui perdus, de l’Hedera prisca amoindri. Le lierre, sous une forme très-rapprochée de celle du type européen ordinaire et qui se relie en même temps au type des gypses d’Aix, amplifié par l’influence du climat miocène, se montre vers le pliocène inférieur, daus les sphérosidérites de Dernbach, aux environs de Coblentz ; c’est l’Hedera acutelobata (Ludw.) Sap., dont les feuilles pourvues de cinq lobes anguleux surmontées d’une pointe terminale plus large et moins saillante que celle de l’Hedera Philiberti et s’éloignent par conséquent davantage de la race d’Alger. Ce lierre n’est réellement séparé de l’espèce actuelle que par une nuance à peine sensible. À la même époque, c’est-à-dire dans la première moitié du pliocène, notre Hedera hélix normal, caractérisé par les mêmes diversités morphologiques qu’il présente de nos jours, s’était répandu dans toute l’Europe ; il abonde particulièrement en Italie et peuple plus tard aussi les tufs quaternaires de la France entière. En résumé, le type du lierre, très-anciennement fixé, n’a donné lieu dans la suite des temps qu’à des variétés ou races flottantes, trop peu accentuées pour mériter à aucune d’elles le nom d’espèce, sauf peut-être en ce qui concerne l’Hedera Kargii dont les proportions minimes constituent