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LES PÉRIODES VÉGÉTALES
DE L’ÉPOQUE TERTIAIRE.

(Suite. — Voy. p. 3.)
Vues générales sur l’ensemble des périodes.

C’est dans la période suivante ou aquitanienne, immédiatement après le retrait de la mer tongrienne, après l’entier dessèchement des eaux salées du Flysch, mais avant l’invasion de la mer mollassique, à une époque de grands lacs et de lagunes tourbeuses, favorable à la production des lignites, époque d’humidité permanente, de chaleur égale et modérée, que la révolution végétale dont les prodromes s’étaient montrés durant l’oligocène, se trouve en voie de complet achèvement. La transformation du climat s’est visiblement opérée ; l’extension des lacs et l’abondance des dépôts d’eau douce s’expliquent par l’humidité croissante du climat. L’opulence des formes végétales de cet âge, comparée à l’exiguïté relative de celles de l’âge précédent, s’explique de la même façon. Les grands lacs sont partout à ce moment : à Manosque, en Provence ; près de Narbonne, dans le Languedoc ; en Savoie, en Suisse, sur plusieurs points de l’Allemagne, en Autriche, en Italie et en Grèce. Ailleurs, comme à Radodoj (Croatie), ce sont des sédiments d’embouchure ; partout ils comportent le même enseignement.

Fig. 1. — Vue idéale de palmiers aquitaniens

C’est alors qu’il convient de signaler les premiers arrivages des types polaires destinés à se répandre en Europe pendant tout le miocène. Le platane, le liquidambar, le Glyptostrobus, plusieurs Séquoia, probablement le hêtre et le tilleul font partie de cette catégorie. Les peupliers et les saules, les aunes et les bouleaux, les ormes et les charmes, les érables, les frênes, les noyers, etc., prennent visiblement l’essor dans l’aquitanien, sans exclure toutefois les types des pays chauds ni même les palmiers, auxquels les premiers se trouvent alors associés sur un grand nombre de points (fig. 1).

C’est donc là une période d’un très-grand luxe de végétation, non-seulement parce que la température ne s’est pas abaissée d’une manière assez sensible pour éliminer les formes antérieures, mais aussi par la raison que l’humidité égale du climat favorise évidemment l’essor du monde des plantes.

La juxtaposition, dans plusieurs localités, de deux ensembles, l’un montagnard et forestier, trahissant plus de fraîcheur, l’autre approprié aux stations inférieures et dénotant des aptitudes plus méridionales, se laisse assez facilement reconnaître. Elle est visible notamment à Armissan, ainsi qu’à Manosque. Toutefois les deux ensembles contrastent moins qu’ils ne le faisaient à l’époque des gypses d’Aix ; ils se balancent mieux ; ils se sont rapprochés et se pénètrent davantage. Celui des deux qui réunit des types amis du nord et de làa fraîcheur est peut-être moins nombreux en espèces, mais il est plus riche en individus ; il tend graduellement à l’emporter