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LA NATURE.

y rester des heures entières. Je voudrais pouvoir ajouter que les enfants récompensent ces soins dévoués par l’affection qu’ils méritent, mais je ne sais pas faire de roman à propos d’histoire naturelle. Les jeunes Forficules s’empressent de manger leur mère si elle vient à mourir, et donnent de même leur estomac pour tombeau à ceux de leurs frères et sœurs qui succombent sous l’implacable loi de la sélection naturelle.

Nous citerons quelques-unes des espèces les plus intéressantes de Perce-oreilles qu’on peut observer en France. Plusieurs groupes naturels ont été établis dans ces insectes d’ailleurs très-similaires.

Les Labidoures ont presque toujours un grand nombre d’articles aux antennes, et le second article de leurs tarses est simple et étroit. La Labidoure géante (no 2 de la figure, un mâle) est le plus grand des Perce-oreilles européens. Elle offre une tête rousse, large, et arrondie, et les appendices, antennes et pattes, d’un jaune pâle, ainsi que les côtés du ventre. Les longues et fines antennes ont de 27 à 30 articles. Les élytres, d’un roux pâle, sont en rectangles allongés et fortement débordées par le rebord corné des ailes à contour elliptique. La pince du mâle est presque droite, avec une dent à l’intérieur vers le milieu ; elle est rousse et noire à l’extrémité. Le mâle atteint de 14 à 22 millimètres, sans compter sa pince qui en a 8 à 10 ; la femelle est plus petite, de 10 à 14 millimètres et la pince n’en a que 6 en longueur. La femelle est pleine d’œufs au mois de mai, et on trouve les petites larves en août. L’espèce se rencontre sur tout le contour méditerranéen de l’Europe méridionale, ainsi que dans tout le midi de la France, sur les rives de l’Adour, en Corse et en Sardaigne, sur les bords de l’Adriatique, sur les rivages du Pô, du Tessin et de l’Arno. C’est sous les pierres qu’il faut la chercher dans le jour, et le soir elle court sur le sable, pour chasser les petits insectes, ne paraissant faire que très-rarement usage de ses grandes ailes. L’insecte inquiété relève son abdomen d’un air de menace, à la façon des Staphylins, en ouvrant sa grande pince. En Italie, l’espèce est commune dans les maisons, surtout dans les cuisines, les citernes, les recoins humides, d’où elle ne sort que la nuit. Nous n’avons pas cet insecte près de Paris, quoiqu’il puisse remonter bien plus au nord. Ainsi il existe dans la Russie méridionale ; on le trouve, mais rare, près de Vienne, sous les feuilles tombées et les troncs d’arbre renversés et pourris, en été près de Berlin et dans la Silésie supérieure, sous de grandes pierres au bord des rivières, sur les bords de la Baltique, sur le rivage occidental de l’Angleterre, près de Christchurch, peut-être après importation par les navires. Cette grande Forlicule est abondante à l’île de Madère, existe aussi dans l’Afrique septentrionale, la Cafrérie, le Mozambique, et à Buénos-Ayres, dans l’Amérique méridionale, peut-être par importation, et l’Asie occidentale.

Une autre espèce, la Labidoure maritime du genre Brachylabis, Dohrn, est presque aussi grande, mais se distingue tout de suite de la précédente en ce qu’elle n’a pas d’élytres ni d’ailes. Elle ne se trouve que dans le voisinage de la mer et est commune au printemps, sur les bords de la Méditerranée, sous les pierres et dans les bouses de vache. On la rencontre aussi à Madère, en Syrie, au mont Liban, sur les côtes du Japon, de la Chine, des Indes orientales, de Madagascar, de l’Afrique occidentale et australe.

Dans un sous-genre très-voisin des Labidoures existe la plus petite espèce du type que nous étudions, celle que Geoffroy, le vieil historien des insectes des environs de Paris, appelle le Petit Perce-oreille, et Linnus la Forficule naine, (minor).

C’est la plus petite espèce d’Europe, n’atteignant que 4 à 6 millimètres de longueur, avec une pince de 2 à 3, selon les sexes, presque droite. Elle est d’un jaune terne, plus ou moins bruni et recouverte d’un duvet court et serré ; ses antennes n’ont que 10 à 12 articles ; elle est commune en France dans les détritus et les fumiers, où elle vit en société avec beaucoup de petits Staphylins avec lesquels on la confond au premier abord. Elle vole bien, on la prend au vol avec le filet à papillons autour des fumiers dans les soirées chaudes de l’été, et elle entre la nuit dans les appartements, attirée par les lumières.

Les Perce-oreilles qui viennent ensuite se distinguent, pour les entomologistes, d’avec les types précédents par quelques caractères. Le plus remarquable consiste dans la présence, de chaque côté des second et troisième segments dorsaux de l’abdomen, d’un tubercule en forme de pli longitudinal, caractère qu’offre aussi la Labidoure maritime. La gravure sur bois n’a pu reproduire ce détail sur nos figures, qui sont de grandeur naturelle ; rien de plus aisé que de le voir sur le Perce-oreille commun de nos jardins, avec une loupe si la vue simple est insuffisante. Le botaniste et l’amateur d’insectes ne se séparent jamais de ce précieux auxiliaire.

En outre, le second article des tarses est élargi de chaque côté en cœur et le nombre d’articles des antennes ne dépasse pas une quinzaine.

C’est ici que se place, l’espèce si commune partout, la Forficule auriculaire, de Linnæus, le Grand Perce-oreille de Geoffroy, d’un fauve ferrugineux avec les pattes plus pâles (voir la fig. 1 de la gravure). Si on la saisit entre les doigts, elle dégage une odeur qui rappelle le soufre brûlé (acide sulfureux). La longueur du corps varie chez les mâles de 9 à 15 millimètres, avec une pince de 4 à 8 millimètres, à branches dilatées à la base et crénelées en dedans. Elles forment d’ordinaire un cercle presque parfait, mais il y a une variété où elles sont plus allongées et en ellipse.

La pince est plus courte chez la femelle, de 3 à 4 millimètres, à branches bien moins courbes, crochues en dedans, au bout.

L’espèce est abondamment répandue dans toute l’Europe, se trouve aussi à l’île de Madère, dans tout le nord de l’Afrique et aux Indes orientales, où les