Page:La Nature, 1873.djvu/226

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
218
LA NATURE.

indigènes, le peu de fécondité des femmes, ainsi que l’usage de la polygamie, sont les causes principales du peu de densité de la population. Les naturels possèdent en agriculture des connaissances assez avancées, savent étager leurs cultures sur les flancs des collines et détourner les ruisseaux pour les arroser, mais ils sont d’une telle imprévoyance, qu’à peine faite, la récolte est déjà consommée ; de là ces famines fréquentes pendant lesquelles ils se repaissent d’une sorte de stéatite qui endort l’estomac. Nous n’avons pu jusqu’ici les plier à notre civilisation ; ils viennent bien travailler quelques jours à la fabrication de l’huile de coco, mais ils disparaissent dès qu’ils ont gagné assez d’argent pour acheter une pipe et du tabac.

Le gouvernement, reconnaissant l’insalubrité de la Guyane, a envoyé à la Nouvelle-Calédonie en 1864, un premier convoi de 250 forçats, bientôt suivi de plusieurs autres, qui débarquèrent leur cargaison humaine au pénitencier de l’île de Nou. Depuis cette époque, le nombre des ouvriers de la transportation s’est constamment élevé ; il était, au 31 décembre 1871, de 2735 ; leur sort s’est amélioré en raison de leur bonne conduite et 274 de ces égarés étaient, au 1er janvier 1872, libérés, mais en surveillance.

Nos établissements se sont développés. Nouméa est devenue une ville, où l’eau est malheureusement introuvable ; les bourgs de Nakety, de Kanala, de Kouahoua, de Houagap, d’Hienguene, de Poebo, et de Balade se sont créés, les défrichements et les plantations se sont étendus, le commerce et l’industrie ont pris une certaine activité, que vont sans doute développer les conditions nouvelles d’existence faites à la colonie par la loi du 23 mars 1871, qui affectait à la déportation certaines parties de la Calédonie et quelques-unes de ses dépendances.

Gabriel Marcel.

EFFETS DE LA LUMIÈRE
SUR LE SÉLÉNIUM.

La Société des ingénieurs du télégraphe a reçu dernièrement une communication très-importante, faite par M. Willoughby Smith sur l’effet extraordinaire de la lumière sur le sélénium. La découverte du sélénium est, comme on le sait, déjà ancienne, mais c’est tout dernièrement seulement qu’on a utilisé ses propriétés particulières dans certaines opérations électriques. Le sélénium, après avoir été fondu et doucement refroidi, possède une couleur éclatante d’un bleu gris ; si on le refroidit rapidement, il prend l’éclat métallique. Sa densité est de 4,30. Il s’amollit à la température de 74° centigrades et devient pâteux à 100° ; on peut l’étirer en fils, quand on le soumet à une plus haute température. D’après des expériences exécutées depuis peu, il paraît que le sélénium est un corps conducteur de l’électricité, mais c’est une des substances qui offre le plus de résistance à son passage. Les grandes difficultés qui se présentent pour la fabrication de ce métal rendent les recherches expérimentales assez rares. Cependant, on a obtenu quelques spécimens qui ont permis d’entreprendre des essais du plus haut intérêt.

Dans le magnifique système imaginé par M. Willoughby Smith et qu’il a introduit pour l’essai des câbles sous-marins pendant leur submersion, il est nécessaire d’établir à la côte une résistance qui indique celle que le câble oppose par son isolation ; le câble est constamment essayé par ce moyen. Un courant provenant d’un nombre donné d’éléments passe à travers un galvanomètre, situé à bord du navire qui déroule le câble ; de là il suit le fil sous-marin et vient aboutir à un second galvanomètre placé à la côte, d’où il se rend dans le réservoir commun, la terre, en surmontant la haute résistance qu’elle oppose. On observe un écart sur l’aiguille du galvanomètre du navire, écart dû à la légère perte qu’éprouve le courant d’électricité dans son trajet à travers le câble aussi bien qu’à son arrivée dans la terre. Un écart constant est donc obtenu (il décroît à mesure que le câble se déroule) et pendant que le système, capable de maintenir cet essai à tout instant, est en action, on a l’énorme avantage de pouvoir établir une libre correspondance entre le navire et la côte, sans interrompre l’essai permanent d’isolation. Cette communication s’établit facilement entre les deux stations en augmentant ou en diminuant légèrement l’écart permanent du galvanomètre, par une modification de la dose d’électricité dans une telle mesure que ces changements puissent être pris comme des signaux de convention.

Avec ces dispositions, il y a un grand intérêt à employer quelque matière qui possède la résistance requise, il y aurait un grand avantage à ce que cette résistance soit constante sous toutes les circonstances et qu’elle reste, aussi invariable que possible. L’auteur de ce système, connaissant les propriétés du sélénium, se décida à faire des expériences à ce sujet. Il obtint plusieurs petits barreaux variant d’une longueur de 5 à 10 centimètres et d’un diamètre de 1 à 1,5 millimètres. Ces petits barreaux, entourés de fils de platine, étaient renfermés dans des tubes en verre. On trouva que le sélénium possédait la haute résistance que l’on recherchait, mais malheureusement il y avait une grande disparité dans sa constante et les essais concordaient rarement entre eux. En recherchant les circonstances qui occasionnaient d’aussi grandes différences dans ces résistances, on remarqua en dernier lieu que la lumière était une des causes principales de ce fait, et M. W. Smith découvrit alors que la résistance était modifiée proportionnellement à l’intensité de la lumière à laquelle le sélénium était exposé. Quand les barreaux étaient fixés dans une boite munie d’un couvercle qui pouvait glisser de façon à intercepter toute lumière, leur résistance était la plus haute et de-