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LA NATURE

inexploré. Les frais de cette grande campagne furent faits par M. Nathaniel Thorpe, riche habitant de Boston.

L’empereur du Brésil favorisa de tout son pouvoir l’expédition d’Agassiz et fit au savant naturaliste, ainsi qu’aux personnes qui l’accompagnaient, l’accueil le plus bienveillant.

L’association mercantile de Boston qui désirait continuer ses relations avec un homme aussi distingué, fit de nouveau à Agassiz les offres les plus séduisantes afin d’obtenir deux conférences sur les résultats de son voyage. Elles eurent lieu en effet ; la première sous le titre des Poissons de l’Amazone, et la seconde sous celui des Animaux du Brésil. Elles furent l’une et l’autre publiées.

C’est en 1867, après avoir accompli cette partie importante de son œuvre, qu’Agassiz se rendit en Europe pour revoir ses anciens amis, et sa terre natale vers laquelle il est mort en tournant les yeux. En effet, il avait formé le projet de revenir en Europe, pour rétablir sa santé ébranlée.

À peine était-il de retour en Amérique, qu’il songeait à organiser une expédition nouvelle. Il ne s’agissait rien moins que de parcourir toutes les côtes de l’Amérique depuis Boston jusqu’à San Francisco.

Dans ce nouveau voyage, accompli de la façon la plus heureuse, Agassiz fut encore accompagné par sa femme, devenue l’associée inséparable de ses travaux, et qui avait acquis sur les opinions philosophiques de son mari une influence fort caractérisée.

Au retour de cette grande croisière scientifique une nouvelle surprise attendait Agassiz. Dans une de ses conférences de Mercantile institution il avait émis l’idée de créer une école marine d’ichthyologie ; un riche marchand de tabac de Boston, qu’il n’avait jamais vu, lui avait envoyé une lettre pour lui annoncer qu’il mettait à sa disposition une somme de 400 000 dollars, avec toute la propriété de la plus jolie des îles Elizabeth, cet archipel fortuné que la nature a semé dans la baie du Massachussetts, pour donner aux voyageurs un avant-goût des splendeurs du nouveau continent[1].

La création de l’école d’ichthyologie Anderson vint augmenter le nombre des travaux d’Agassiz, qui parvint à l’inaugurer au commencement de l’aunée 1873. Cet événement, qui fit peu de bruit en Europe, produisit en Amérique une profonde sensation. Agassiz y attachait une importance extraordinaire. Il mettait l’École pratique marine bien au-dessus du musée de Cambridge puisque l’École pratique lui permettait d’espionner la nature, et de la prendre en quelque sorte sur le fait dans ses élucubrations.

C’est le 13 décembre 1873 qu’Agassiz s’est éteint succombant sans douleur à une attaque de paralysie.

L’autopsie n’a révélé aucun trouble considérable dans les organes cérébraux. On pense que le siège de la maladie était à la base de l’encéphale. Un rapport détaillé paraîtra à cet effet.

Les funérailles ont été très-simples ; aucun discours n’y a été prononcé. Elles ont eu lieu trois jours après le décès, à la chapelle du collège Harvard, en présence d’un grand concours de citoyens et de la plupart des bienfaiteurs scientifiques d’Agassiz. MM. Nathaniel Thorpe et Anderson y figuraient avec quelques amis personnels : le vice-président des États-Unis, le gouverneur de l’État de Massachussets, les professeurs d’Harvard-College, etc., etc., mais les corps savants et le Collège lui-même n’y avaient point été représentés par des députations.

En apprenant la mort d’Agassiz, les membres d’Harvard-College ont adopté des résolutions en l’honneur du défunt, et les édifices publics ont arboré le pavillon national à mi-mât en signe de deuil général. C’est la seule manifestation extérieure que l’on ait cru devoir faire pour ne point sortir des sentiments de simplicité et de modestie dans lesquels Agassiz avait passé toute sa vie.

Il y a un an à peine que le grand savant fut élevé, par l’Académie des sciences, à la dignité d’associé étranger. Jamais cette haute distinction n’a été justifiée d’une façon plus brillante.

W. de Fontvielle.

FRANCIS GARNIER

M. Francis Garnier est né à Saint-Étienne, le 25 juillet 1839. Il se destina à la marine, passa ses examens à l’école navale et fit ses deux ans à bord du vaisseau le Borda, passa successivement aspirant de première classe et enseigne. En 1860, il faisait partie de l’expédition qui, sous les ordres de l’amiral Charner, fit les campagnes de Chine et de Cochinchine. Il prit une part distinguée dans les travaux de la flotte, et de retour en France il publia, en 1864, une brochure intitulée la Cochinchine française. L’auteur proposait d’ouvrir des communications commerciales directes entre la Cochinchine et la Chine méridionale.

Les raisons qu’il exposait avec beaucoup de force de style étaient convaincantes.

Le gouvernement et la Société de géographie s’émurent. On se décida à organiser une mission dont la direction fut confiée à M. Dondard de Lagrée, capitaine de frégate. Trop jeune encore pour recevoir le commandement, M. Francis fut nommé second de M. Lagrée.

Le 5 juin 1866, MM. de Lagrée, Garnier, Louis de Laporte, M. de Carné, attaché d’ambassade, deux médecins et une quinzaine de soldats quittaient Saïgon et remontaient le Mékong, fleuve alors ignoré des voyageurs.

L’expédition dura plus de deux ans ; mais elle réussit complètement. En effet, elle ne revint à Saïgon qu’après avoir descendu le Yang-Tze-Kiang jus-

  1. Voy. Table des matière de la première année, École Anderson.