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Page:La Nature, 1877, S1.djvu/169

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LA NATURE. 165 l’N PROJET DE BATHOMÈTRE L’opération des sondages océaniques s’exécute de¬ puis quelques années sur une vaste échelle, et cela se comprend aisément. Qu’y a-t-il de plus intéressant pour le géographe, pour le géologue surtout, que de connaître la configuration du fond de la mer ? Le géographe qui ne connaîtrait que la configuration du sol qui s’élève au-dussiis de la surface des eaux ignorerait complètement celle d’une bonne moitié du globe terrestre. Et quant au géologue, l’on se de¬ mande comment il a pu, pendant si longtemps, étu¬ dier les sédiments, modifiés par le temps, les pres¬ sions, les infiltrations, émettre quantité d’hypo¬ thèses sur leur origine, avant d’arriver à l’idée bien simple d’étudier avant tout les sédiments en voie de formation, leurs variétés, leurs posi¬ tions, leur étendue, leur nature. Tour connaître la configuration du fond de la mer, il faudrait posséder des mesures exactes de la profondeur de l’eau, à chaque point submergé. Ce serait un travail gigantesque qui ne pourra être accompli qu’approxima¬ tivement et à la longue. Mais encore faudrait-il posséder une méthode qui permît de prendre ces mesures avec une précision vraiment scientifique. Pour résoudre ce problème, l’on a proposé divers procédés. Les lecteurs de la Nature ont lu avec intérêt l’ar¬ ticle sur l’appareil si ingénieux pro¬ posé par M. Siemens1. Cet instrument indique la profondeur moyenne de la mer dans le voisinage du point au- dessus duquel flotte le navire qui porte l’instrument. Sa portée pra¬ tique pour le navigateur sera assuré¬ ment très-importante. Mais si l’on cherche à connaître avec précision la profondeur en un point donné, les indications de cet appareil res¬ teront bien eu arrière de celles que fournit la mé¬ thode des sondages. Le sondage est donc le seul procédé actuellement employé pour ces mesures de profondeur, et comme moyen de rnesuration, l’on se contente de compter la longueur de corde que l’on a dû dérouler jusqu’au moment où le plomb touche le fond. L’on sait que ces sondages ont souvent donné des résultats fantas¬ tiques et qui ne méritent aucune confiance. Cela tient à ce que le navire peut être entraîné par un courant, de telle sorte que la corde prend une direc¬ tion oblique, au lieu de former une ligne verticale ; ou bien encore deux courants superposés et marchant en sens inverse lui font décrire une figure d’S ; si bien que la corde, déroulée au moment où le plomb touche terre, représente un multiple de la hauteur 1 Voy. n° ’du ‘20 janvier 18/7, p. 125 que l’on cherche. — Les personnes qui ont lu la des¬ cription des procédés de sondage employés par les dernières expéditions anglaises auront remarqué les précautions infinies qui ont été prises pour échap¬ per à ces causes d’erreur. Malgré cela, les résultats obtenus par cette méthode sont loin d’échapper à toute objection ; ils peuvent être exacts dans la ma¬ jorité des cas, mais ils ne satisfont pas à toutes les exigences de la science. Pour obvier à ces inconvénients, pour échapper à ces causes d’erreur, j’imaginai, il y a quelques an¬ nées l, un petit appareil fort simple, destiné à enre¬ gistrer automatiquement la profondeur qu’il aurait atteinte. C’est, en un mot, un manomètre ou, si l’on préfère ce terme, un piézomètre enregistreur. Un réservoir de forme sphérique, eu verre soufflé, est rempli d’un liquide peu compressible, d’eau par exemple, ou mieux encore, d’éther. Sa seule ouverture est rétrécie en un tube capillaire qui communique avec un second réservoir plus petit. Ce second réservoir est rempli de mercure , qui , à la température présumable de l’eau du fond, disons par exemple ji 2°C., devra affleurer à l’entrée du premier réservoir. La surface supérieure du mercure est découverte et en contact avec l’eau de la mer. Attachons maintenant cet appareil au plomb de sonde. Le li¬ quide intérieur sera comprimé d’une quantité connue pour chaque atmo¬ sphère de pression et une quantité correspondante de mercure dépassant l’ouverture capillaire viendra tom¬ ber au fond du réservoir. La quantité Je mercure qui sera tombée au fond du grand réservoir, pesée exactement, indiquera le maximum de pression auquel l’appareil aura été soumis. En pratique, la chose ne sera pas tout à fait aussi simple. Il faudra tenir compte d’abord de la tempéra¬ ture du fond, ce qui sera facile à l’aide des ther¬ momètres enregistreurs que l’on attache généra¬ lement au plomb de sonde. 11 faudra ensuite envi¬ sager la compressibilité du verre ; la diminution de volume subie par une sphère creuse étant sensi¬ blement égale à celle d’une sphère pleine de même matière. Enfin, il faudra tenir compte de la com¬ pression subie par le liquide enregistreur, que ce soit dn mercure ou tout autre liquide, qui ne se mêle pas à celui du grand réservoir. Pour avoir un aperçu de l’étendue de ces correc¬ tions, afin de voir si elles pourraient affecter très- sensiblement l’exactitude du résultat, j’ai fait quel¬ ques calculs qui peuvent servir à fixer nos idées. A la profondeur de 2130 mètres, la compression subie par un litre d’eau distillée serait de 10 centimètres 1 Voy. Mémoires de la Société de physique et d’histoire naturelle de Genève, t. XXIII, 2* partie, p. 483, Bathomètre de 51. le D’ Fol.