Page:La Nouvelle Revue, volume III-13 (janvier-février 1910).djvu/5

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Déméas. — Assez ! plus de serments !

Parménon. — Tu ne juges pas bien ! si jamais…

Déméas, le forçant à tourner la tête vers lui. — Hé ! mon garçon, regarde un peu ici.

Parménon, le regardant. — Voilà !

Déméas. — À qui est l’enfant ?

Parménon, balbutiant. — Voilà… l’enfant…

Déméas. — Qui est sa mère ?

Parménon. — Chrysis.

Déméas. — Et son père ?

Parménon. — C’est toi, parbleu !

Déméas. — Mort de ta vie ! tu m’en contes.

Parménon. — Moi ?

Déméas. — Je sais tout exactement… — ne me cache plus rien — je sais qu’il est de Moschion, que tu le sais aussi, enfin que c’est son petit à elle, que cette fille-là élève chez moi !

Parménon. — Mais qui donc…

Déméas. — Ne me cache rien, et réponds à ma question… N’est-ce pas, l’enfant est de lui ?…

Parménon. — Oui !… le reste doit rester caché…

Déméas. — Qu’est-ce qui doit rester caché ? une étrivière, garçons, qu’on me donne une étrivière pour châtier ce scélérat !

Parménon. — Ah ! non ! de par les Dieux !

Déméas. — Tu en porteras les marques, par Héhos !

Parménon. — J’en porterai les marques !

Déméas. — Vois plutôt !

Parménon. — Je suis mort !

Déméas. — Où vas-tu ? où vas-tu, viande à raclée ! arrêtez-le ! (Mais Parménon s’enfuit) Ô ville de la terre de Cécrops !… ô célestes espaces… ô… mais pourquoi cries-tu ainsi, Déméas ? pourquoi cries-tu, imbécile ! Retiens-toi ! Allons ! de la fermeté ! Tu n’as rien à reprocher à Moschion ! — Oui, le propos est peut-être hasardeux, bonnes gens, mais il est véridique ! Voyons ! S’il avait agi ainsi de son plein gré, sous les morsures de l’amour, ou en haine de moi, serait-il dans les dispositions d’esprit où je l’ai trouvé ? M’aurait-il obéi de bon cœur ? Mais non ! il s’est disculpé par sa joie d’apprendre le mariage qu’on lui proposait ! ce n’était pas l’amour, comme je le croyais alors qui causait son empressement ! c’était le désir de quitter la maison, de fuir enfin mon… Hélène. C’est elle la cause de tout le mal ! Elle l’a débauché un jour d’ivresse, c’est évident, alors qu’il n’avait plus sa tête à lui ! Combien d’aventures de ce genre sont l’effet du bon vin et de la jeunesse, quand l’occasion se présente ! — M’a-t-on jamais dit qu’il ait joué quelque méchant tour aux voisins ? Eh bien ! je ne puis pas encore arriver à croire que ce même jeune homme dont tous les étrangers éprouvaient la sagesse et l’honnêteté se soit ainsi conduit à mon égard, serait-il dix fois mon fils par l’adoption et non par le