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LA NOUVELLE REVUE.

droite, mais passionnée d’une amélioration morale, prouvait déjà en leur faveur. Après tout, le puritanisme sortait d’une pensée juste. L’émigration était le critérium définitif de leur virilité. Or placez une semblable élite sur un sol vierge où l’attendent de très durs labeurs, où rien ne s’obtienne que par l’effort : tous travailleront, les moins zélés entraînés par l’exemple des autres. Le cas échéant, tous se battront ; qui donc voudrait laisser à ses frères l’honneur de défendre le foyer dont la fondation a déjà coûté tant de peines et que menacent encore tant de calamités ? Par la même raison, tous prendront intérêt aux affaires de la communauté et s’emploieront à hâter ses progrès. Enfin tous voudront se maintenir au même niveau intellectuel, profiter des occasions d’apprendre, de ne pas laisser la science devenir le monopole d’un petit nombre. C’est ainsi que l’assemblée municipale, l’école et la milice devinrent les pierres angulaires de la Nouvelle-Angleterre et non seulement la firent échapper au péril dont la menaçait l’esprit sectaire de ses fondateurs, mais constituèrent une base solide pour la grandeur future des États-Unis. Jusqu’à un certain point on peut y ajouter l’Église. Le principal dogme des puritains était en effet l’égalité. Par là ils se rattachaient au christianisme primitif. Par là aussi, l’action religieuse s’exerça dans le même sens que l’action politique poussant inconsciemment vers la démocratie.

Rien n’a été plus laborieux que la construction de l’édifice gouvernemental américain. Le comité naquit de la nécessité où se trouvèrent les municipalités d’unir leurs efforts pour mieux lutter contre les Indiens et les colons étrangers. L’État se forma ensuite sous l’obligation de résister à la tyrannie de l’Angleterre et à ses empiétements. L’union se fit enfin parce qu’il fallait protéger l’indépendance si laborieusement conquise. Aucun de ces rouages ne se créa spontanément et sans la préexistence de la municipalité, telle que l’avait établie la Nouvelle-Angleterre, il est probable que cet édifice à la fois si simple et si compliqué ne se fût même pas achevé. Dès les premiers jours il y eut des town-meetings. Les hommes y discutèrent librement les questions locales et y légiférèrent sur tout ce qui les touchait de près et directement. Rien ne prévalut contre cette habitude. Plus tard, les gouverneurs anglais la combattirent vainement. La commune fut de la sorte organisée de telle façon que la république s’y trouvait toute vivante, bien qu’à l’état em-