Page:La Nouvelle revue. vol. 104 (Jan.-Feb. 1897).djvu/69

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
61
LA FORMATION DES ÉTATS-UNIS.

fluence de William Johnson dont les Mohicans avaient fait un sachem et auquel les colonies avaient donné pleins pouvoirs, parce qu’elles le savaient aussi Anglais de cœur que s’il n’eût jamais appris la langue iroquoise ni manié le lourd tomahawk. Johnson parvint à neutraliser l’action des émissaires français et obtint que les chefs iroquois assisteraient au congrès d’Albany.

Ce congrès était dû à l’initiative du Board of Trade que le roi d’Angleterre avait institué dès 1696 et dont les attributions réelles s’étendaient bien au delà de ce que son nom semblait indiquer. À peine constitué, le Board of Trade s’était occupé non seulement de questions commerciales, mais de questions politiques touchant l’Amérique. Locke lui avait proposé d’y établir la dictature militaire et William Penn, dans les dernières années de sa vie, lui avait soumis son plan pour l’union des différentes colonies, sous la présidence d’un commissaire du roi. Peut-être le plan de William Penn éveillait-il, à distance, un écho sympathique dans l’esprit des membres du Board lorsqu’ils se décidèrent à ordonner la réunion d’un congrès. Au mois de juin 1754, à Albany, petite ville d’allure hollandaise, sur les rives de l’Hudson, les congressistes se mirent en séance et tout aussitôt plusieurs plans d’union furent présentés. Celui qui fut jugé le plus pratique et le mieux combiné était l’œuvre de Benjamin Franklin, qui en développa les avantages avec art et chaleur. Il instituait un président général représentant du roi, nommé par lui, et un grand conseil composé de quarante-huit députés choisis par les assemblées des diverses colonies. L’approbation royale était nécessaire pour les lois ; la nomination des fonctionnaires appartenait au président général. Le sort de ce projet fut assez extraordinaire. Les colonies jugèrent que la prérogative de la couronne était beaucoup trop étendue et l’Angleterre estima que les tendances autonomistes et démocratiques s’y révélaient d’une manière intolérable. Tout le monde en fut mécontent et personne n’en parla plus. Mais en Amérique on continua d’y songer.

Jusque-là l’idée fédérale n’avait hanté que quelques esprits déliés ; elle fit son chemin dans les cerveaux plus obtus. Les peuples sont particulièrement sensibles aux leçons de choses. Le congrès d’Albany en était une. Pour la première fois, on avait vu ce spectacle d’une assemblée composée de repré-