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Page:La Nouvelle revue française, année 26, tome 51, numéros 298 à 303, 1er juillet 1938.djvu/79

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matin. Toutes les chèvres sont danseuses. Il n’y a pas comme elles pour marcher sur les pointes. Leur danse pétille, elles s’égaillent à droite, à gauche, en haut, en bas, de toutes parts ; pas une qui se range dans un quadrille. Elles courent sur les degrés de la Concorde, et leurs petites cornes noires font des signes. Est-ce un grand bouc, qui joue à cache-cache avec son ombre courte entre les colonnes ? Je vois étinceler deux agates de feu, ses yeux ; il est coiffé de bois immenses, et il se dresse soudain, tout tendu comme un arc, tout debout, ardent et svelte : c’est Pan qui rend visite à la déesse.


VII
crépuscule

Quand le soleil descend sur la mer de Sicile, les rêves prennent corps aux yeux du voyageur assis dans la solitude et le silence du Roc d’Athêna. Par une rue qui, elle aussi, porte le nom d’Athènes, je venais de la ville ; j’étais sorti de ce gros bourg, farci de pauvres gens, plein de gestes et de cris. Il s’étage en amphithéâtre, au-dessus de la terre antique et des temples. Girgenti est une termitière, la fourmi humaine y pullule, brune et noire. Ce peuple est fait de tous ceux qui se croisent sur la mer classique, depuis des millénaires, et le sang de l’Afrique y domine, sinon celui de l’Orient. Toutes les rues sont en pente, étroites et tortueuses ; et même la rue d’Athènes, la plus longue et plus riche de toutes, n’est qu’un boyau tors et grouillant.

Au delà de la porte et de quelques arbres, que ronge la blanche lèpre de la poussière, la hauteur déserte règne sur l’étendue. Sans effort, on pense à ce qui fut comme à tout ce qui a jamais mérité d’être. Les temples sont là, les flots pétrifiés de la terre et l’horizon de la mer, pour tout accomplir.