Le temple lion ne rugit pas à la lumière : il la regarde, il la contemple, il pense en elle, d’égal à égale et même en maître. Le fronton haut levé au-dessus de sa masse immuable, il domine sur la vie. Peut-être, il bâille. Si, à ses pieds, les herbes calcinées sont des moissons, je ne me le demande pas et je l’ignore. Ce blé et ce maïs ne nourriront jamais personne, pas même les éperviers qui sillonnent le ciel, becs carnassiers qui font fi de la graine. Une odeur ardente est l’encens de la terre ; elle brûle vers le dieu ses anis, son poivre et sa menthe.
Ici, il n’y a plus rien, ni hommes ni village, pas une bête, pas une hutte. Seuls, les dieux demeurent. Le néant les annonce. L’accablante chaleur tombe en meule sur la nuque ; elle entre dans la peau comme un sable impalpable. Un seul vent souffle ici, le vent du désert : le sirocco vient d’Afrique, ou c’est l’haleine de l’Etna, le soupir du volcan. La lumière éblouit les yeux : elle les cuit dans l’orbite. Comme on les ferme, on s’inonde d’or en fusion au dedans ; et quand on les rouvre, tout au dehors est ténèbres. La vie commune est l’ombre de celle-ci. Pas une maison, pas un mur. S’il y avait des hommes dans ces parages, ils seraient plus misérables que des marionnettes.
Un beau théâtre s’étage en hémicycle au flanc de la montagne. Tout à l’heure, au passage, tourné sans doute vers la mer, je l’aperçus. Mais que m’importe, à présent ? Sa majesté est humaine, et rien de plus.
La grandeur de Ségeste est écrasante : non pas par la quantité ou la matière, la hauteur des colonnes, l’immensité ni rien de ce qui fait les colosses : c’est une grandeur d’âme et elle parle à l’âme un tel langage qu’il nous dégoûte de tout autre. Magie de l’éternel, qui comble tout l’espace. Toute autre parole sent l’éphémère et sort des éphémères, ces insectes absurdes, les hommes. Le héros lui-même n’est qu’un marmot qui